A propos de fils d’immigré
Hier, comme nous parlions des vacances à 2 balles du petit Nicolas, est arrivé dans ces lignes le nom de Nadir Dendoune. Ce garçon-là vient de publier un bouquin de toute première qualité, qu’il a titré « Lettre ouverte à un fils d’immigré ». Lui, Nadir, il est journaliste sur France 3. Il est, comme on dit, un « immigré de la deuxième génération ». Comme d’ailleurs le destinataire de sa lettre. Le destinataire, vous le connaissez, c’est le gars qui fait du bateau ces jours-ci. Nadir Dendoune part d’un constat tout simple : voilà, on est deux, toi le fils d’immigré hongrois, avec le parcours qu’on ne va pas rappeler, tout le monde l’a lu mille fois pendant cette campagne, pour faire court, genre né avec la petite cuillère en argent dans la bouche, et puis, moi, Nadir, fils d’algérien, kabyle, arrivé en France en 1950. En vrai, non, pas arrivé en « France », puisque, à cette époque-là, la Kabylie, c’était comme une espèce d’Alsace ou de Périgord, une province française, quoi. Alors, le plus étranger des deux n’est peut-être pas celui qu’on pense, voilà ce qu’il dit, Nadir. Et puis, il va disséquer son parcours, de gamin de la cité jusqu’au CFJ, rue du Louvre, avec tout de même un passage par la case « en taule », histoire de ne pas faire mentir les statistiques, avec en prime un tour du monde à vélo, (et une expérience de bouclier humain, rien que ça, mais de ça, il ne parle pas, Nadir), de belles histoires d’amour épistolaires (ne ratez pas ce passage magnifique), un séjour en Australie, où il se découvre, enfin, Français, parce que ce qui fait que tu sois ou non Italien, Allemand ou Français, c’est d’abord par le regard des autres que ça passe, et que là-bas, si loin, il n’est pas un beur, il est un « Français de Paris ». Son récit est sans concession. Sans mauvaise excuses non plus. Il ne s’étend pas à plaisir sur les années-galère. Il est lucide, sur son parcours, et aussi sur celui de son lecteur, le fils d’immigré hongrois. Mais tout y passe : les boîtes de nuit toujours entrevues, jamais visitées, pour cause de vigiles musclés, les contrôles d’identité à répétition, les regards soupçonneux, les sacs garés à son approche, l’amitié aussi, la solidité des « animateurs », de ceux qui ne font pas du social comme on fait de la médecine, les colos, le camping, bref, une vie tout entière, parallèle saisissant avec d’autres vies, pas tout à fait semblables, même si leurs acteurs sont eux aussi des « fils d’immigrés ». Des retours importants également sur l’effacement de l’histoire coloniale de la France, sur la place de la police dans tout ce malaise, les tutoiements intempestifs, qu’il renvoie d’ailleurs au récipiendaire ! on me tutoie, je te tutoie. Nadir Dendoune sait de quoi il parle, c’est SA vie. Il a écrit une lettre au ministre de l’Intérieur, nous lisons la même, destinée au Président de la République. Nadir Dendoune est français, il en est fier, mais pas plus qu’un breton ou un savoyard, pourquoi en serait-il autrement ? Il n’a pas quitté sa cité. L’identité française, dont on nous a tant parlé ces derniers mois, il la vit. Le mérite, le « vouloir c’est pouvoir », il connaît et il le met à plat. Voilà. C’est dense. Ca remet bien en place les « fondamentaux ». Ca se lit comme un article dans un journal. C’est drôlement chouette. Lisez vite…
brigitte blang prs 57
(Lettre ouverte à un fils d’immigré. Nadir Dendoune.
Editions Danger Public. 14,50 euros)
« On ne peut pas demander à un pays de changer ses lois, ses habitudes, ses coutumes tout simplement parce qu’elles ne plaisent pas à une infime minorité. On en a plus qu’assez d’avoir le sentiment d’être obligé de s’excuser d’être Français. » Nicolas Sarkozy 22 avril 2006.