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le blog de brigitte blang

l'actualité politique vue par une militante de gauche.


naissance d'une République

Publié par jacques serieys sur 25 Février 2008, 00:01am

Catégories : #chez jacques en aveyron

25 février 1848 : Voici 160 ans, la Révolution de 1848 instaurait la Seconde République
 

Pour contourner l’interdiction de tout rassemblement (depuis 13 ans), des politiciens favorables à une monarchie un peu plus parlementaire organisent des banquets. Celui qui doit se tenir le 22 février dans le douzième arrondissement de Paris n’est pas autorisé par le préfet.

Deux forces vont contester dans la rue cet ordre anti-démocratique :

* le mouvement ouvrier, républicain et socialiste, poussé en avant par des conditions de vie extrêmement difficiles ( en 1848, deux tiers des ouvriers du meuble et du bâtiment sont au chômage et strictement sans le sou).

* le mouvement étudiant déjà mobilisé depuis le début de l’année contre la suppression des cours du grand historien Jules Michelet.

En ce 22 février 1848, il fait froid et il pleut sur Paris. De bon matin, quelques silhouettes d’ouvriers contestataires hantent les abords de la Madeleine. Le nombre augmente au fil des minutes mais on ne peut même pas parler de rassemblement. Soudain arrive sur la place un cortège d’étudiants partis du Panthéon. L’amalgame se réalise aussitôt en une manifestation d’environ 3000 personnes qui se dirige vers la Chambre des députés puis la Place de la Concorde... aux cris de "Vive la Réforme ! A bas Guizot !" (chef du gouvernement).

A 16 heures, le roi décrète l’occupation militaire de la capitale. Il dispose sur place de l’armée (30000 soldats), de 40000 gardes nationaux (choisis dans les couches aisées) et d’unités d’appoint (police, artillerie, forteresse...). Des incidents éclatent, l’armée use rapidement des armes, un premier manifestant est abattu.

Dans la nuit du 22 au 23 février, un climat insurrectionnel gagne Paris, d’une famille pauvre à une famille d’exclus, d’une chambre d’étudiants à des amis, d’un ouvrier socialisant à ses voisins, d’une rue à l’autre.

Le soulèvement populaire est tellement fort que de nombreux gardes se sentent concernés par des gens de leur famille, leurs propres enfants... Dans la matinée du 23, des bataillons de la garde nationale se posent en arbitre entre le peuple d’un côté, l’armée et la police de l’autre. La 2ème légion (boulevard Montmartre) lance même le cri de ralliement "Vive la Réforme". Pour calmer la protestation, le roi Louis-Philippe annonce dans l’après-midi qu’il remplace Guizot par Molé à la tête du gouvernement.

La surexcitation anxieuse de la journée laisse alors place à un apaisement général. De nombreux Parisiens s’attardent à déambuler sous les lampions. La proximité de cette foule victorieuse, joyeuse, fatiguée, inorganisée avec les barrages maintenus de l’armée peut dégénérer au moindre incident. Il éclate... Une unité du 14ème régiment de ligne ouvre le feu boulevard des Capucines, couchant sur le pavé 50 morts et de nombreux blessés.

En pleine nuit, un réseau plus fort que les 100000 soldats du roi s’active. Un premier groupe entre dans une église pour sonner le tocsin ; dans le lointain, un second groupe lui renvoie l’écho nocturne d’autres cloches. Tout Paris résonne, tout Paris se lève dans l’obscurité des ruelles. Des manifestants commencent ce que l’histoire appellera "la promenade des cadavres". Quelques fusils apparaissent qui permettent de s’attaquer aux armureries puis de les dévaliser. Avec quelques armes, une barricade peut être utile face à l’armée. Lorsque le jour se lève, environ 1500 barricades se dressent dans Paris.

Flaubert a bien décrit l’ambiance de cette nuit du 23 au 24 février : « Le spectacle du chariot contenant cinq cadavres recueillis parmi ceux du boulevard des Capucines avait changé les dispositions du peuple ; et, pendant qu’aux Tuileries les aides de camp se succédaient, et que M. Molé, en train de faire un cabinet nouveau, ne revenait pas... l’insurrection, comme dirigée par un seul bras, s’organisait formidablement. Des hommes d’une éloquence frénétique haranguaient la foule au coin des rues ; d’autres dans les églises sonnaient le tocsin à pleine volée ; on coulait du plomb, on roulait des cartouches ; les arbres des boulevards, les vespasiennes, les bancs, les grilles, les becs de gaz, tout fut arraché, renversé ; Paris, le matin, était couvert de barricades... A huit heures, le peuple, de bon gré ou de force, possédait cinq casernes, presque toutes les mairies, les points stratégiques les plus sûrs. D’elle-même, sans secousses, la monarchie se fondait dans une dissolution rapide"

Plusieurs peintres ont aussi magnifiquement rendu compte de ces barricades, de leur aspect hétéroclite comme de leur majesté symbolique, de leur détermination comme de leur courage, de leur radicalisation rapide avec des drapeaux rouges improvisés flottant sur des hampes ou des manches à balai, au dessus de pavés entassés.

Le 24 février au matin, la foule porteuse d’espérance s’enhardit encore ; à midi, elle attaque le Palais Royal. Louis-Philippe abdique en faveur de son petit-fils puis s’enfuit à l’étranger dans l’indifférence. Ainsi finit le dernier jour de la royauté française.

Bien évidemment, comme en 1830, des banquiers, des hommes de loi, des politiciens, de prétendus "serviteurs de l’Etat" qui s’étaient prudemment tenus éloignés des combats, se réunissent une fois le roi parti, pour se montrer parmi les vainqueurs, pour se positionner comme ministrable ou postulant à un strapontin institutionnel.

Dans ces courts moments où l’Histoire hésite sur le chemin à prendre, l’initiative réfléchie d’un groupe, la clarté d’esprit et la hardiesse d’un dirigeant peuvent peser de façon décisive.

Ainsi, le 25 février 1848, naît la légende vraie de François-Vincent Raspail, chimiste (c’est lui qui a découvert le premier les microbes), médecin des pauvres, militant, carbonaro, futur candidat républicain et socialiste aux élections présidentielles. Souvent emprisonné, il n’a jamais trahi sa devise "N’embrasser jamais la cause d’un homme mais toujours celle de l’humanité".

Vers midi, Raspail se rend à l’Hôtel de Ville de Paris où se réunit le "gouvernement provisoire". Au nom du prolétariat et du peuple parisien, il lui ordonne de proclamer la République dans un délai de deux heures. Passé ce temps, il serait de retour avec 200000 hommes.

A ce moment-là, les insurgés sont encore armés et galvanisés par leur victoire ; ils sont encore groupés avant de s’en retourner chacun dans son quartier et sa famille ; ils tiennent encore leurs glorieuses barricades dont la démolition doit souvent commencer dès le lendemain. Il faut aller vite ! Aussitôt l’ultimatum posé par Raspail, Paris se couvre de slogans : République française ! Liberté, Egalité, Fraternité.

Le gouvernement proclame alors la République.

Honneur à ces anonymes qui abattirent pour toujours la royauté en France mais perdirent en févier 1848 : 350 morts, sans compter plus de 500 blessés !

Honneur aussi à eux car au mois de juin de la même année quelques bourgeois et militaires "républicains" les décimeront à la première occasion : 4000 parisiens tués par la soldatesque dans les combats, 1500 fusillés, 11000 emprisonnés dans des conditions affreuses et déportés, 25000 arrestations.

Cependant : Michelet avait reçu des derniers survivants de 93 cet héritage: "c’était beau". Les acteurs de 48 auront le droit de transmettre le même héritage "c’était beau"...

Cependant : les peuples d’Europe reprennent le flambeau, de Cologne à Milan, de la Hongrie à l’Illyrie, de Vienne à Venise, de Rome à Francfort, de la Sicile au Sleswig-Holstein, de la Sardaigne au delà de l’Atlantique : Québec, Amérique latine ... L’Europe royalo-cléricale du Congrès de Vienne disparaît dans la tourmente.

Quand j’étais enfant, les gens de gauche connaissaient encore quelques chansons sur les Grands de 1848. En effet, jusqu’à la tuerie de juin, la révolution va même souffler dans les plus petits villages, comme en 93. Un de ces jours, j’en ferai un article concernant l’ Aveyron.

Jacques Serieys sur le site de prs 121848_.jpg

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