Lu dans l'huma
Ceux qui partent… ceux qui ne partent pas
Vacances. Si les Français sont de plus en plus nombreux à partir, au moins un tiers d’entre eux restent privés de ce droit. Et aucune amélioration n’est en vue.
À l’heure du retour médiatisé des aoûtiens, nombreux sont les Français qui ne peuvent toujours pas de nos jours s’offrir un départ en vacances. Au fil des générations, pourtant, la part de la population quittant son habitation durant ces périodes n’a cessé de croître. Si le taux de départ n’était que de 43 % en 1964, les chiffres donnés ces dernières années montrent ainsi une nette augmentation, bien que les résultats diffèrent selon les études, rendant difficile une évaluation solide. « On est considéré comme vacancier dès lors qu’on se déplace hors de son domicile pour, au minimum, trois nuits et quatre jours » explique le sociologue Jean-Didier Urbain, auteur de les Vacances (1) « Les routiers sont donc comptabilisés comme des vacanciers ! Et les chiffres sont biaisés. En vérité, en se basant sur des critères plus ancrés dans la réalité, on peut estimer que 65 % des Français sont réellement concernés par un départ. » Le nombre de séjours a par ailleurs grandi au cours des dernières décennies : les vacanciers partaient en moyenne 1,5 fois en 1968 contre 2,2 en 2004.
Disparités sociales et géographiques
Selon l’INSEE, les moins de vingt ans demeurent les plus nombreux à partir en vacances, avec un taux de départ de 72,4 % en 2004, bien que le nombre de jours passés en vacances soit proche de la moyenne (25,7 contre 26 pour l’ensemble des Français). Les retraités âgés de soixante-cinq ans et plus se sont pour leur part évadés environ 37 jours au cours de la même année. Un phénomène qui devrait s’accentuer dans le futur. Comme l’ensemble de la population, ces « papy boomers » ne favorisent pas automatiquement les mois estivaux : « Malgré les changements observés, les vacances sont toujours associées à juillet et août. Pour les Français pourtant, le fractionnement est désormais une habitude », rappelle Jean-Didier Urbain.
Pas pour tous les Français néanmoins. Environ 20 millions d’habitants restent ainsi chez eux. Parfois par choix : « Il y a encore une dizaine d’années, on estimait que ces "non-partants" étaient tous privés de vacances pour des raisons économiques ou professionnelles (par exemple les agriculteurs). En réalité, d’autres critères existent. Des causes « positives » apparaissent : chez les retraités notamment, certains ont envie d’enracinement et non de départ ; les personnes voyageant pour leur travail sont aussi enclines à rester chez elles. Cependant, la majeure partie, environ les deux tiers, ne part pas parce qu’elle n’en a pas les moyens financiers », affirme Jean-Didier Urbain.
Le fossé continue de se creuser
Les plus défavorisés sont évidemment les principaux touchés. Selon une étude de conseil en marketing Acxiom datée du mois dernier, 42 % des foyers privés de vacances ont en effet un revenu mensuel net inférieur à 1 200 euros. 50,3 % sont seuls, et 18,9 % n’ont aucun diplôme. 72,4 % d’entre eux ne partent même pas en week-end. « Il y a en plus une véritable disparité géographique, avec des poches régionales, voire locales, par exemple en Île-de-France. On part ainsi bien moins souvent quand on habite Saint-Denis que quand on réside à Neuilly », ajoute Jean-Didier Urbain.
Plus inquiétant encore, rien ne semble fait politiquement pour combattre cette fracture. Bien que la ministre de
(1) Éditions Le Cavalier bleu, 2002.
Antoine Aubert