Sarkozy vs Jaurès
Le candidat de l’UMP aime émailler ses discours les plus droitiers de citations de Jean Jaurès. Piteuse tentative de détournement de l’idéal humaniste, mais aussi, en quelque sorte, hommage du vice à la vertu du fondateur de notre journal. Nous avons donc, en raison de l’intérêt que semble lui porter Nicolas Sarkozy, jugé utile d’enrichir sa connaissance de l’oeuvre jaurésienne. L’éditorial de l’Humanité du 10 mai 1912, dans lequel Jean Jaurès dénonçait, déjà en ce temps-là, les manipulations « sécuritaires », a une dimension visionnaire. On parlait alors des « apaches » et non des « racailles »...
"Je ne sais rien de plus ignominieux que l’exploitation journalistique et politique qui a été faite des crimes des bandits et de la tragique « chasse à l’homme » qui a été menée contre eux. Un immense effort a été conduit pour semer la panique et pour la faire tourner au profit de la réaction. (...)
Quelle abjection dans cette propagande de la peur ! On lit sur les murs de Paris d’ignobles affiches qui apprennent au monde que toutes les boutiques sont forcées, que toutes les existences sont menacées, qu’au coin de toutes les rues le passant est guetté par le couteau d’un apache. « Défendons-nous », hallucinons les cerveaux, affolons les coeurs ; demandons à la société française de répudier toutes les lois humaines sur le sursis, sur la libération conditionnelle, que ce fut son honneur de promulguer ; dénonçons comme des lâches, comme des traîtres, les jurés qui ont cru équitable, après examen des circonstances, un verdict de pitié. Faisons que la loi pénale fonctionne toujours automatiquement avec le maximum de rigueur. Appliquons, s’il le faut, la torture aux condamnés ; arrachons les ongles aux transportés par le rétablissement des poucettes ; et frappons, flétrissons comme des complices des assassins, tous les hommes qui demanderont à la nation de ne pas s’affoler, de ne pas se dégrader. « Défendons-nous, défendons-nous. »
Toute la presse a donné dans cette campagne de délire et de bassesse. Elle a donné aux bandits, dans des millions de cerveaux, des proportions formidables. tous les gouvernements d’autorité et de privilège. À un peuple ainsi affolé, ainsi abêti par la peur, toute foi en la race humaine et en l’avenir n’apparaît que comme une dangereuse chimère, comme une meurtrière illusion. Il ne comprend même plus que le progrès est la condition de l’ordre. Il se méfie de la justice et de la liberté comme d’un piège, de l’idéal comme d’une duperie. Et si vous lui demandez de travailler à la transformation nécessaire du monde au progrès de la science et de la démocratie, à l’avènement d’un ordre social plus juste, d’un régime international moins barbare, il vous soupçonne de préparer la revanche de Bonnot et de protéger Garnier.
Partout, dans
Dans sa hâte à se réclamer des grandes références, il a oublié de les relire, et c'est ainsi qu'on se fait piéger... Merci à Joël (bruche de gauche) pour le tuyau!