Scolarisés, interpellés, expulsés
Immigration. À Grenoble, trois des enfants d’une famille étaient en classe lorsque leurs parents, encadrés de policiers, sont venus les chercher.
Des enfants étrangers ont-ils été interpellés en classe ou non ? La réponse dépend du point de vue de celui qui la donne. La semaine dernière, un couple macédonien et ses quatre enfants ont été expulsés par la préfecture de l’Isère vers l’Allemagne. Trois des enfants étaient en classe, dans leur école du Jardin de ville, à Grenoble, au moment où on est venu les chercher pour partir. Ce sont leurs parents qui les y ont récupérés. Mais ces derniers venaient de quitter la préfecture qui les avait convoqués le jour même et étaient accompagnés de policiers, dont certains les attendaient dans l’enceinte de l’école. Ils auraient, toutefois, été invités à y pénétrer par une institutrice - ignorante du fin mot de l’histoire - avant d’escorter la famille au centre de rétention de Lyon.
Le couple et les enfants y ont passé une nuit et se sont envolés, dès le lendemain, pour l’Allemagne. « Personne n’a eu le temps de s’entretenir avec eux, pas même la Cimade », pointe Béatrice Bonacchi, du Réseau Éducation sans frontières (RESF) de l’Isère, qui, avec un collectif de parents d’élèves et de syndicats d’enseignants, s’émeut de ce qui s’apparente à une intrusion policière dans l’école et à une interpellation d’élèves en pleine classe. Contacté hier, le préfet n’a pas été en mesure de s’exprimer sur le sujet.
Cela dit, la semaine dernière, ses services expliquaient via la presse que la famille avait librement choisi son retour vers l’Allemagne - où sont nés trois des enfants -, retour qui lui a été proposé par la préfecture en vertu des accords de Dublin. Ces derniers stipulent que les étrangers extra-communautaires doivent faire leur demande d’asile auprès du premier pays de l’Union européenne dans lequel ils mettent les pieds. Enfin, si le retour s’est fait avec autant de précipitation, poursuivait-on, c’est afin d’éviter que le laissez-passer pour l’Allemagne ne soit rendu caduque et, là encore, avec l’approbation des parents qui étaient libres de refuser.
Dont acte ? Pas si sûr. D’abord, parce ce que la famille parlait très peu français et que rien ne certifie qu’ils aient tout compris, relève RESF. « Cette famille n’était là que depuis le 11 septembre. Nous devions les rencontrer le soir même de leur arrestation pour connaître leurs attentes et leurs besoins », poursuit Béatrice Bonacchi. Par ailleurs, rien ne garantit que l’Allemagne leur a accordé le droit d’asile. Béatrice Bonacchi relève, enfin, l’essentiel. « Depuis 2005, aucun enfant scolarisé dans ce département n’avait été expulsé. La préfecture vient de passer un cap. » Et de rappeler la question du moment. « Peut-on vraiment parler de liberté lorsque l’on ressort de la préfecture encadré par deux policiers ? »
Marie-Noëlle Bertrand
Article paru dans l’Humanité du 5 décembre 2008.