Le rapport Attali entretient les divisions au PS
Royal pose avec Attali, les fabiusiens le fusillent, Hollande le méprise… Le rapport sur la croissance fera peut-être long feu, mais il a le mérite de clarifier les rôles au PS.
Après les images de Ségolène Royal, rayonnante, aux côtés de Jacques Attali mercredi soir, les communiqués fustigeant les 300 décisions pour changer la France ont commencé à partir de la rue de Solferino. Tandis que l'ancienne candidate félicitait l'ancien conseiller de François Mitterrand, expliquant que « tout ce qui va dans le sens du déblocage de ce qui freine l'initiative doit être pris en considération », Alain Vidalies, le secrétaire national aux entreprises du Parti, dénonçait « des propositions lourdes de menaces ». La schizophrénie bat son plein. Après le référendum sur le Traité de Lisbonne, le rapport Attali sera-t-il la nouvelle ligne de fracture qui divise un peu plus le camp socialiste ?
En première ligne : les énervés
La présidente de Poitou-Charentes semble, en tout cas, très isolée, du moins dans le Parti. Une frange joue clairement la carte de l'opposition et n'hésite pas à dégainer l'artillerie lourde contre « le libéralisme exacerbé » d'Attali. Jeudi matin, accompagné de Noël Mamère, Benoît Hamon offrait tribune à l'Assemblée nationale à cinq économistes réunis dans son club de réflexion, La forge, pour dévisser le rapport point par point. Du côté des fabiusiens, Claude Bartolone se déclare carrément « scandalisé par le décalage entre la gravité de la situation que connaissent les habitants de ce pays et ce « truc libéral » qui prône la baisse des salaires et de la protection sociale. » Il promet d'ailleurs un « débat nécessaire » au sein du Parti avec Ségolène Royal sur ce sujet, après les municipales. Quant à Razzye Hammadi, le secrétaire national à la Riposte, il assume sa fonction en condamnant l'« opacité » des raisonnements des « experts autoproclamés » auteurs du rapport… Bref, ces socialistes-là sont inquiets, remontés, et ils le font savoir.
Décryptage et enterrement
Et puis, il y a les nonchalants. François Hollande, par exemple, prédit que le rapport fera long feu, lui assurant un destin de « ramasse-poussière ». En clair : il n'y a même pas lieu de s'alarmer, ces belles propositions finiront sans doute au placard. Quant au strauss-kahnien Jean-Christophe Cambadélis, il… se marre. « Le rapport Attali est un supermarché, on y trouve tout ce qu'on veut, s'amuse-t-il. De toute façon, Nicolas Sarkozy finira par brandir la crise financière pour se justifier de ne pas appliquer la plupart des décisions qu'il contient. » Quant à Ségolène Royal, il ne considère même pas sa prise de position comme un événement. « Entre ses mains, le travail d'Attali finira comme tous les rapports qu'on lui remet, c'est à dire classé à la verticale. Elle est dans l'instrumentalisation de l'événement, le fond n'a aucune importance. Comme Sarkozy a reçu Attali, elle fait pareil. Tout ça est très logique : nous, nous jouons notre rôle d'opposants et nous préparons les municipales, elle, elle se projette pour 2012. » Un commentaire qui a, au moins, le mérite de la clarté. Reste à savoir si l'une ou l'autre des stratégies sera payante. Ce rapport n'est sans doute pas le dernier point de clivage d'une galaxie socialiste où les rôles semblent de plus en plus franchement distribués...
Vendredi 25 Janvier 2008
Anna Borrel
http://www.marianne2.fr