Une journée d’école, comme les autres, qui commence par les nouvelles du petit matin. Chic alors, notre président part en balade. En général, ça lui réussit plutôt bien, l’exercice. Toi, tu te dis, vaguement inquiet, dans le silence amorti de ta salle de bain : « Avec qui donc il va nous fâcher aujourd’hui ? » Une fois sur deux, c’est bonne pioche, un coup les Russes, un coup les Allemands, l’autre jour, c’était le Venezuela, bref, un homme affable. Qui a dit « un homme à fables » ? Mauvaise langue, va ! Ce matin, donc, c’est pour l’Italie qu’il s’envolait notre amoureux tout neuf. L’Italie, ses gondoles, ses top models, ses spaghettis, ses berlusconneries, ses bagnoles insensées. Manque de pot, lui, il a pris l’option Vatican. On veut dire, il a pris l’option avec Pape, pas avec Chapelle Sixtine. Pas à dire, il a du goût. Le voilà donc à faire, -en notre nom, je voudrais quand même le rappeler à ceux qui lui trouveraient des excuses-, des tas de dévotions au Grand Ayatollah des cathos. Il ne lui a pas baisé la pantoufle, mais c’était limite. Il l’a remercié, je cite : « de ses prières » pour Ingrid Betancourt. Alors, ça, c’est fort. Tu vas voir le boulanger et tu le remercies de faire du pain, c’est quasiment la même chose. Son taf, au monsieur blanc, c’est la prière, justement. C’est pour ça qu’on l’a mis là où il est, pour les prières. Manquerait plus qu’il ne les fasse pas ! D’ordinaire, dans les voyages officiels, le président en exercice, il embarque deux ou trois intellos pour faire joli sur les photos. Lui, devinez un peu, il a pris Bigard. Oui Bigard, le type qui pose dans le métro en slip kangourou (tu vois, les culottes des types chez Reiser, ce genre !), le gars qui balance des vannes de corps de garde que personne n’oserait plus en faire au banquet des anciens de la prochaine, souvenez-vous de son « lâcher de salopes », fin, très fin, joliment ourlé, amis de la poésie, bonsoir. Allez donc savoir ce qu’il lui aura raconté à Ratzinger… mais si ça se trouve, l’autre, ça l’aura changé des histoires de Toto. Qui d’autre ? Le Père Gilbert, autoproclamé « curé des loubards ». Il se sera refait la mise en plis pour l’occase, le vicaire. Et puis, surtout Max Gallo. Ah tout de suite, ça t’a une allure évidente. Le gars qui sait faire le grand écart entre Mitterrand, le Président qui aimait les livres, et leurs auteurs, et celui-ci, qui aime les Rollex et les dîners au Fouquet’s. Dernier potin : la maman de la nouvelle petite chérie du boss, elle était de la sortie champêtre. On nous dit sur la toile qu’elle « est allée se promener dans les jardins et les fouilles du Vatican »… Vu la proximité de Bigard, j’ai cherché la contrepèterie. Paraîtrait qu’il n’y en avait pas. Ah bon ? À part ça, me direz-vous, c’est un gentil intermède dans une vie somme toute stressante. Oui, s’il n’y avait les propos du président de notre république laïque. Laïque, vous êtes bien sûrs ? Écoutez un peu : il a plusieurs fois revendiqué les « racines chrétiennes » de la France, a évoqué son catholicisme ainsi que la part déterminante du christianisme dans l’identité française. Sans oublier l’appel à l’avènement d’une « laïcité positive ». Positive ? Faudra qu’il m’explique. Y aurait-il donc des laïcités négatives ? Avec tout ça, il a été fait Grand Chanoine de platine iridié de Saint-Jean de Latran. Trop bien ! Un peu de toute cette gloire qui m’éclabousse. Merci plein de fois.
Pendant ce temps-là, Ségolène Royal est à Romans, pour parler aux licenciés de chez Charles Jourdan. Eh oui, dans une France où des gens meurent de froid dans la rue, on n’a plus vraiment les moyens de se payer des paires de pompes à 500 euros. Ça n’excuse pas les licenciements, loin de là. Ségolène, elle compatit et trouve abominables les licenciements avant Noël. Pourquoi ? Après Noël, ç’aurait été mieux ?
On a aussi, dans notre coin, le referendum des gars de chez Continental. Chez nous on dit simplement « la Conti ». Ils ont dit Oui au retour des 40 heures. Vous avez tous entendu ça à la radio. Pas de dessins, n’est-ce pas ? J’ai discuté le bout de gras avec Nadine. Son Denis à elle, il en fait partie des Conti. Elle disait, ça s’est joué au chantage, si vous dîtes Non, la boîte ferme. Sans parler du trop fameux « travailler plus, etc. » Elle disait aussi la qualité de vie et les luttes des anciens pour les gagner les 39 puis 35 heures et les moments en famille. Mais elle disait aussi, Nadine, si on payait vraiment les gens pour ce qu’ils font, ils n’auraient même pas à réfléchir à la question, ils ne courraient pas après les billets de 100 pour les fins de mois à élastique, les fins de mois qui durent 21 jours. Voilà ce qu’elle en pense, Nadine, de ce referendum. Pour l’autre…
Coup de grâce, pour la journée, l’annonce quasi officielle du ralliement du premier des fabiusiens mosellans à la liste de Jean-Marie Rausch à Metz. Une liste « qui sera ouverte à tous ceux qui soutiennent la politique de Nicolas Sarkozy et qui a déjà le soutien de l’UMP ». Pierre Bertinotti, soutien de la politique de Nicolas Sarkozy ? Pierre, le chef de file des socialistes mosellans pour le Non en 2005. Ce soir, je me sens un peu « trompée », pour ne pas employer un autre mot, plus fleuri… Décidément, il y a quelque chose de pourri au royaume de franginerie… Les obédiences se chevauchent. Ça va pas nous faire de beaux bébés ces ménages contre nature. Moi qui croyais à la fidélité, au moins là, si pas ailleurs, au moins là… Eh bien non, pas davantage là qu’ailleurs. C’est à pleurer. Encore une fois à pleurer.
brigitte blang prs 57