Intervention de Guillaume BACHELAY,
Conseiller général de Seine-Maritime, membre du Bureau national
Conseil national – 25 mars 2008
Chers camarades, il était temps que 2008 arrive ! C'est que pour beaucoup d’entre nous, 1977 était loin. Bien sûr, il y avait eu 2004 mais cette année-là, il n'y avait pas d'échéances municipales avec leur saveur magique. 1977, 2004 : à chaque fois, une élection présidentielle a suivi, l’une gagnée, l’autre manquée. C’est dire combien nos décisions d'aujourd'hui pèseront demain.
Il ne s’agit pas d’être rabat-joie, mais vigilant. Depuis le 17 mars, alors que nous mettons en œuvre nos projets dans les territoires, le président de la République est tout à sa stratégie de reconquête de l’opinion publique. Bien sûr, la disette médiatique et les risettes photographiques ont tout l’air d’un chemin de croix pour celui qui, quand la télévision ne parle pas de lui, croit qu’elle est en panne… Cet énième plan com’ prendra du temps et sera peut-être vain. Mais l'objectif de N. Sarkozy n'est pas de rivaliser avec la gauche dans les sondages fin 2008, c'est de supplanter notre candidat dans les suffrages en 2012. Alors autant agir en conséquence dès à présent.
D’abord, il est grand-temps de rappeler que nous ne sommes pas LE pouvoir, mais que nous disposons d’UN pouvoir. Face à la casse éducative, sociale, économique, 2008 marque un soulagement, mais c’est en 2012 que viendra le changement. Pour paraphraser un camarade illustre, je dirais que le « local » ne peut pas tout... Prenons le cas du logement. En Seine-Maritime, nous avons créé un service public de la caution et limité les subventions d’équipement aux communes n'appliquant pas la loi SRU. Mais – pas plus qu’aucun autre Conseil général –, nous n’avons les moyens de construire massivement du logement social ni d'obliger l'ANRU à respecter la règle du 1 pour 1 dans les opérations de démolition-reconstruction.
Il en va ainsi dans tous les domaines de l’action publique. Les élus locaux sont comme les amortisseurs d’un véhicule : ils atténuent les chocs, mais ne décident pas de la direction. Aucun village ni aucune ville n’a la possibilité de mettre fin aux franchises médicales, aucun département ne peut réorienter la politique monétaire de la BCE, aucune région ne peut insuffler la transparence qui fait défaut à la finance mondiale, et la somme de nos territoires n’empêchera hélas pas le régime chinois de massacrer le peuple tibétain. « Agir local, penser global » n’a jamais signifié pour nous, élus socialistes, la suspension et encore moins la suppression des autres échelons d’intervention – et d’abord celle de l’Etat.
Deuxième observation : la relation entre le gouvernement et les collectivités sera de moins en moins consensuelle et de plus en plus conflictuelle. Depuis 2002, les collectivités sont au pain sec. Raffarin fut un précurseur, Villepin un continuateur et voilà Fillon le fossoyeur ! Pour le seul RMI, les départements estiment l’ardoise de l’Etat à plus de 2 milliards d’euros. De nouveaux transferts sont inscrits dans la loi de finances, tout comme le gel des dotations et la baisse des compensations. Cette année, sera supprimé le « contrat de croissance et de solidarité » que nous avions mis en place pour partager la richesse entre les collectivités et l’Etat.
Asphyxier financièrement nos collectivités, c’est aussi sanctionner ceux qui ont le plus besoin des actions que nous engageons pour la solidarité, l'emploi, la formation, la petite enfance, les transports. Oui, Sarkozy et Fillon veulent punir les couches populaires et une bonne partie des classes moyennes d’avoir mal voté les 9 et 16 mars ! Pendant ce temps, par la grâce du « bouclier fiscal », 2 400 contribuables vont recevoir du Trésor public un chèque de 50 000 euros en moyenne. C'est plus de 50 fois la prime pour l’emploi. On voit qui fait quoi, à quelle échelle et pour qui...
Ma dernière réflexion concerne la riposte socialiste à ce coulage financier planifié par le gouvernement. Certains ont évoqué une « cohabitation » avec le pouvoir central. Le mot est mal choisi car entre N. Sarkozy et les élus locaux, ce n’est pas une « cohabitation » qui s’annonce, mais une confrontation. Ce que veut l'UMP, c'est placer chaque élu socialiste dans un étau infernal : soit augmenter l’impôt local (de moins en moins modulable), soit supprimer des services à la population (qui en a de plus en plus besoin).
Puisqu’il y a agression, il doit y avoir réplique. Encore faut-il dire comment ! Informons les Français des manquements à la parole donnée de l’Etat. Quand sont envoyées les feuilles d’impôts locaux, indiquons la part qui revient au gouvernement. Dans nos communes, refusons de mettre en œuvre certaines dispositions quand elles ne sont pas compensées financièrement, je pense au financement municipal d’heures supplémentaires de l’Education nationale pendant les vacances scolaires. Nous n’avons pas d'ordres à recevoir de ce gouvernement, mais des comptes à rendre aux habitants. En positif, travaillons à une autre architecture des finances et de la fiscalité locales, plus simple et plus juste. Tout cela, au passage, ferait un bon sujet - un meilleur sujet - pour une Convention nationale avant l'été.
Encore faut-il que les élus socialistes parlent d’une même voix ! Le gouvernement va tenter d’opposer les petites villes aux grandes, les départements ruraux aux conseils généraux urbains, les régions à fort potentiel fiscal aux autres moins bien loties, bref les socialistes aux socialistes. Pour éviter ce piège, il faut une coordination nationale de notre pouvoir local, et non une fragmentation territoriale où chacun s’activerait à sauver les meubles sans se préoccuper du voisin à l’autre bout de l’Hexagone... et parfois du voisin d'à côté ! Qu’un « Conseil des territoires » existe, pourquoi pas ? On pourrait aussi doter notre Fédération Nationale des Elus des moyens qui lui manquent pour être plus efficace. Ce qui est sûr, c'est que la résistance à la décentralisation libérale, ses modalités, son intensité, doit demeurer la prérogative des instances nationales du Parti. Faute de quoi les appels à la cohérence seront aussi forts que morts.
Chers camarades, le programme de la droite, c'est le démantèlement de l’Etat et l’appauvrissement des collectivités. Aux socialistes et à la gauche de rétablir le lien de confiance entre l'un et les autres. Nous venons de faire un grand pas dans cette direction. Le bout du chemin s’appelle l’Elysée, Matignon et le Palais-Bourbon. Avec en ligne de mire aussi, le Berlaymont où siège la Commission de Bruxelles car pour ce nouvel équilibre aussi, l’Europe doit être réorientée.