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le blog de brigitte blang

l'actualité politique vue par une militante du parti de gauche.


sur l'huma.fr

Publié le 23 Juillet 2012, 23:00pm

Catégories : #parti de gauche

Redonner son sens à l’impôt.


par Francis Daspe. 

 

françois francisDans le cadre de la grande œuvre de redressement national, terme dans lequel chacun peut piocher ce qui lui convient, l’essentiel du débat public sur la dette porte sur deux seuls leviers envisagés : la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) et la CSG (contribution sociale généralisée). C’est une vision pour le moins restrictive et connotée. La parole est alors donnée à des experts venant ­gloser de manière surréaliste sur les avantages ­comparés de chacune des deux options. Ces bavardages caractéristiques d’un entre-soi connivent ne peuvent faire oublier qu’il s’agit en réalité des deux faces d’une même politique injuste.

Ce qui fait défaut à ces débats se réduisant le plus souvent à des arguties virant au ­sophisme, c’est une appréhension globale de la situation. Nous ne pourrons en effet sortir par le haut de cette crise systémique que par un partage des richesses radicalement différent. Sans cela, les contresens deviennent monnaie courante. Le recours à l’augmentation de la TVA ou à la CSG traduit une conception inéquitable de ce partage des ­richesses. Prises isolément et ­déconnectées d’un contexte général, nombres des ­remarques faites par nos ­experts sur les avantages présumés des deux options ne sont pas fausses. Il est vrai en effet que la TVA touchant la consommation et non l’épargne peut plus favoriser l’investissement, qu’elle frappe les importations sans trop toucher aux exportations, qu’elle concerne tout le monde puisque même les plus défavorisés consomment. Il est pareillement exact que la CSG possède une assiette large s’appliquant à tous les revenus (travail, capital, jeux), qu’elle dispose d’un meilleur rapport puisqu’un point d’augmentation dégage un revenu de 10milliards (contre 1,6 point pour la TVA). 

Mais raisonner de cette manière conduit à éluder la question centrale d’un autre partage des richesses et ce, au bénéfice de variantes d’une même politique déterminée par les injonctions austéritaires de la troïka. Sont ainsi écartées les solutions radicales de transformation sociale d’un système disqualifié.

Deux approches sont à notre ­disposition pour y parvenir. D’abord en agissant en amont du processus de production de ­richesses. Dans le contexte actuel, ce levier n’est pas praticable faute de volonté et de moyens : seul un gouvernement Front de gauche saurait faire. À cet égard, le projet de contribution commune Aubry/Ayrault en vue du prochain congrès du Parti socialiste confirme, si besoin était, ce renoncement systémique. Reste donc les dispositions ­situées en aval. L’outil idoine est la fiscalité.

Il existe quatre grandes conceptions de la fiscalité. Elle peut être forfaitaire : chacun est amené à s’acquitter d’une même somme au nom d’une présumée égalité d’apparence. C’est l’option des libéraux authentiques et décomplexés ne jurant que par la ­récompense des mérites pour mieux graver dans le marbre l’inégalité des ­personnes. Une autre version plus atténuée mais tout aussi libérale prône une fiscalité proportionnelle. Ne soyons pas dupes : ce n’est rien moins qu’une entourloupe servant de paravent vertueux afin de mettre à distance la mauvaise conscience libérale mal assumée. Car une proportion identique d’imposition fera davantage ­défaut à des revenus modestes engagés dans un combat quotidien qu’à des montants élevés pour qui cela équivaudra à quelques gouttes dans un océan de biens.

La fiscalité peut aussi être de nature confiscatoire. Elle constitue la hantise des nantis qui en font un repoussoir intégral. La question est de déterminer à quel niveau cela devient confiscatoire. Ne perdons pas de vue que ce qui importe n’est pas seulement ce que l’on prend, mais ce qui reste… L’exemple rooseveltien du New Deal ­prolongé lors de la Seconde Guerre mondiale avec un taux maximal atteignant les 90 % montre qu’il existe de la marge : les très riches ont pu continuer à mener un train de vie de riches.

C’est la quatrième forme de fiscalité, progressive, qui doit être privilégiée. ­Depuis la déferlante libérale des années 1980, elle a été réduite pour complaire aux diktats des marchés et des banques. La part de l’impôt sur le ­revenu n’a en effet cessé de diminuer. La ­fiscalité proportionnelle a donc ­mécaniquement fortement progressé, même si, dans les faits, nous assistons à des transferts significatifs vers une fiscalité forfaitaire à coups de niches fiscales ciblées et de cadeaux au capital. L’urgence est donc bien de réhabiliter toutes les formes de fiscalité progressive. Les obstacles ne manqueront pas : les possédants savent mobiliser des trésors d’imagination afin de préserver patrimoine et train de vie.  Les égoïsmes de classe se renouvellent à ­travers le temps : les uns s’étranglaient avant 1914 à l’idée de la mise en place de « l’horrible impôt sur le revenu », les autres traquent aides et acquis sociaux en les faisant passer pour d’insupportables privilèges d’assistés.

Il y a bien à la fois nécessité civique et urgence politique à revenir à la ­finalité ­profonde de l’impôt: « Faire richesse ­commune au nom de l’intérêt général. » C’est la solution à la crise.

(photo rémy blang grenoble août 2011- francis avec françois cocq) 

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