12 ans plus tard...
Que d’émotion !
Ils étaient venus de partout, ce samedi-là à l’Île Saint-Denis. En train, en métro, en bus, en voiture, et même à pied ! Venus de loin ou de plus près, mais venus. Si tu te trouvais à l’entrée, c’était comme pour un concert, les gens arrivent, contents d’être là, on se retrouve, on se reconnaît, tiens toi t’es là aussi, ça faisait longtemps, depuis 2006 au Zénith ! La salle qui nous semblait immense deux heures plus tôt se remplit doucement, ça se colore, ça rougit, vous savez, notre rouge, notre « superbe drapeau rouge », ça chante, la fanfare de klaxons anime le parvis. Le parterre est plein, les gradins quasi. Et là, tu te dis : « C’est gagné ! »
Sur l’écran défilent des images, des témoignages, des banderoles. Sur l’écran, aussi, les dirigeants, ceux de là-haut, si haut qu’ils n’entendent rien. Sarkozy, Fillon, TF1, les banquiers, les marchands de canons, ils ont tous droit à leurs sifflets. Eh ! On va se gêner ! Nos drapeaux flottent, nos écharpes dansent, nos poings se lèvent. À la tribune, les camarades. Audrey, Raquel, Pascale, Alexis, et tous les autres vont se succéder dans des interventions brillantes. Mais d’autres aussi, et d’envergure. Tous. Et le premier d’entre eux, François…
Le message d’Évo Morales, que lira l’ambassadrice de Bolivie est acclamé par toute une salle soulevée d’émotion. Robert Guédiguian, sans sa caméra, mais avec nous ! Et puis, tous ceux qui ont rejoint le mouvement, pour le soutenir, ou pour en être tout simplement. Pierre Joxe, socialiste de la première heure en 71, à Épinay, Jacques Généreux, Christian Picquet, Martine Billard, les Alternatifs, des représentants de Marie-George Buffet, Clémentine Autain, la place manque pour tous les nommer, mais en un mot, ils étaient là. Sûrement comme nous, « pour ne pas rater ça ». Parce qu’un meeting de cette classe, on n’en voit pas tous les deux matins.
Oskar Lafontaine, venu d’Allemagne pour assister à la naissance d’un petit cousin de son parti Die Linke, nous donnera une belle leçon de ténacité et de courage politique, martelant en leitmotiv son refus des « compromis pourris », et nous rappellera que oui décidément, « Das Herz schlägt links ». Ou pour ceux qui ont pris anglais en L1 : le coeur bat à gauche...
Jean-Luc Mélenchon, offensif, tracera la feuille de route, déclinant les objectifs, les méthodes, les combats qui nous attendent, à commencer par celui des européennes qui se profilent déjà à l’horizon de 2009. L’accord passé déjà avec nos camarades communistes est salué par une ovation. Les grands anciens ont fait le déplacement : Jaurès, Louise Michel, Robespierre, eux aussi portent ce nouvel espoir. L’avenir semble soudain s’illuminer, simplement parce que nous sommes là, pour entendre ces mots fondateurs.
Demain, le travail commence, les affiches s’impatientent, la colle chauffe déjà dans les bassines, les tracts n’attendent que nous, demain on a du pain sur la planche, camarades, mais aujourd’hui, savourons ensemble ce moment unique d’émotion. Et d’ailleurs certains yeux brillent bizarrement, quand la salle et la tribune lèvent leurs mains unies au son de l’Internationale. Aujourd’hui, la salle est comble. Les radios, les télés se fendront d’un petit 1000 participants ! Ils ont dû apprendre à compter à la même école que les gars qui évaluent les manifs ! Les mêmes prétendront que les fondateurs ne sont « que deux »… Eh bien non, finalement, comme quand Brel chantait « Orly » nous étions plus de deux mille, même si on ne voyait « qu’eux deux ».
L’avenir de la Gauche est en marche, rechargées les batteries, oubliés les échecs et les tergiversations, relégués les arrangements honteux et les magouilles de fin de congrès. Alors, le soir de la victoire, nous pourrons dire : « J’y étais ! »
brigitte blang