Billet d'humeur

Et un rapport, un...

 Rapport Attali, certains disent Attila, oui oui, suivez mon regard… Un rapport qui tombe plutôt bien, vous direz, justement le jour où la fonction publique est en grève, comme par un heureux effet du hasard, dis donc. Surtout quand on le lit ou qu’on essaie de comprendre ce qu’il raconte, ce fichu rapport qu’on nous en rebat les oreilles depuis les petites aurores. À la louche, deux ou trois choses que j’en ai retenues :

 D’abord, ouverture des magasins le dimanche. Comme ça, Gilbert et Monique, avec les gamins, ils vont pouvoir aller à Moumouth faire griller la carte bleue, encore un peu, encore un peu plus… des fois que le crédit serait en panne. Et puis, il faut consommer, ça donne l’impression d’exister. Alors ça, ça me rend chèvre, cette histoire de croissance à tout prix, toujours plus, acheter, acheter encore et toujours, faire comme tout le monde, quitte à y laisser ses fins de mois… La croissance, pour qui ? Pour engraisser M. Cetelem et Mme Finaref, les bons génies du toujours plus. Toujours plus de mensualités, toujours plus d’endettement, toujours plus de « conseillers » bancaires qui te sermonnent comme si tu venais de piquer dans la boîte de bonbons. On a toujours l’impression de découvrir l’Amérique, mais c’est vieux cette affaire-là. Souvenez-vous, Souchon le disait si bien : « On nous fait croire que le bonheur c’est d’avoir de l’avoir plein nos armoires… » On revient à ce qu’on se disait juste plus haut : exister par les achats, donc favoriser la consommation, donc ouvrir encore plus les cavernes d’Ali Baba, les temples du caddie et de la caisse enregistreuse, et pour cela, s’appuyer sur un sondage, encore un, et qui nous dit que deux Français sur trois veulent aller pousser leurs roulettes dans les allées entre la messe et l’apéro… et qui ajoute que les employés eux-mêmes sont d’accord pour travailler au même moment… tu m’étonnes, avec ce qu’on les paie en semaine, évidemment que ça les tente, les heures sup. Les balades en forêt, au musée, la lecture au coin du feu, ou simplement, le « rien-faire du tout », oubliés. C’est le cas de le dire, passés en pertes et profits…

Ensuite, ce qu’il raconte sur le service public, celui qui nous tient à cœur, allez au hasard ( !!! ) l’école. Qu’est-ce qu’ils nous disent, ces beaux messieurs, dont certainement les enfants sont inscrits à Jean Jaurès ou à Marcel Cachin, et surtout pas à Sainte-Marie des Angoisses… ? Eh bien, ils nous parlent de concurrence avec le privé… Le grand mot est lâché. Concurrence… paraît qu’il n’y a que ça de vrai, en ce bas monde. La concurrence, la belle, celle qui émule, qui fait avancer, qui donne des ailes, qui renverse toutes les barrières. Y compris les barrières sociales, bien sûr.

Enfin, et parce que vraiment, Attali, il nous aura bien gavés depuis ce matin, alors stop ! Enfin, donc, les retraites. On aura bien compris qu’on va pouvoir continuer à pointer à la porte de l’atelier sans limite d’âge, ou quasi… Ta pension ne te permet pas de continuer à vivre normalement, aller en vacances ou faire remplir la cuve de fuel ? Tu vas pouvoir bosser encore un peu plus, comme on disait plus haut, encore un peu plus… Formidable ! Ça c’est de l’innovation, ou on n’y connait rien. Nous, ce n’était pas vraiment ce sens-là qu’on donnait aux mots « augmentation du pouvoir d’achat », mais si eux, c’est comme ça qu’ils le traduisent…

On l’aura compris, M. Attali, qui sait lui aussi ce que bosser veut dire, bosser en usine, peut-être pas, mais bosser néanmoins, a les solutions pour que la « machine France » tourne mieux. C’est ça qui nous manquait, un mécano en chef !

brigitte blang prs 57