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le blog de brigitte blang

l'actualité politique vue par une militante du parti de gauche.


penser l'école, c'est possible.

Publié par prs 57 sur 25 Septembre 2007, 23:01pm

Catégories : #école

DES CLÉS POUR RÉUSSIR AU COLLÈGE ET AU LYCÉE

 

André Sirota est professeur de psychopathologie sociale à l’université d’Angers, directeur de recherche à Paris X Nanterre, membre du Sgen-CFDT et des Ceméa (centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active)

 
« Des clés pour réussir au collège et au lycée » est le titre de l’ouvrage paru en 2007 aux Éditions Èrès. Quelles sont les raisons qui vous ont conduit à réaliser ce livre ?

Avec Françoise Rey, professeur agrégée de lettres classiques, nous avons coordonné cet ouvrage collectif. Par ses différents auteurs, ce livre rapporte l’expérience du collège expérimental d’Hérouville-Saint-Clair – le CLE – l’un des quatre établissements expérimentaux en 1982 sous le ministère d’Alain Savary.

 
Qu’est-ce qui vous a amené à accompagner les enseignants de cet établissement expérimental et quel a été votre rôle ?

À la fin de l’été 1982, les auteurs de ce projet d’établissement nouveau ont appris l’accord des autorités pour ouvrir le CLE. Ils se sont mis au travail avec enthousiasme pour concrétiser les principes au fondement de leur projet. Mais le temps incompressible de l’élaboration individuelle et collective est parfois trop lent eu égard au nombre des décisions à prendre ou à leur caractère d’urgence.

De là, les premières angoisses de ne pas être prêts à l’heure et les premières tensions, d’où le sentiment d’un danger pour l’équipe. Dans ce contexte, j’ai été sollicité en tant que psychosociologue pour faciliter le déroulement de la concertation des enseignants. À partir de l’année scolaire suivante, l’équipe du CLE, sur ma proposition, a instauré une instance spécifique pour parler, réfléchir à haute voix avec les autres, analyser, se décaler de l’immédiateté pour mieux y revenir ensuite.

Jusqu’en juin 2003, mon rôle a consisté à conduire un espace d’analyse des situations éducatives et des événements qui émaillent l’activité professionnelle et institutionnelle, qui embrouillent, provoquent des atteintes narcissiques, attaquent le lien, etc.

 

Quels enseignements retirer de cette expérience ?

Exigeant, le travail d’équipe est au fondement de l’institution scolaire. Ce sont les paroles régulièrement échangées entre professeurs et cadres éducatifs et de direction, en tant que personnes habitant leur mission, qui font qu’il y a acte vivant d’institution toujours à l’œuvre.

Ces échanges doivent avoir lieu dans des espaces voués à ces fonctions. Celles et ceux qui ont travaillé au CLE ont rendu possible l’expérience de la différenciation des lieux, des tâches, des places respectives, des rôles respectifs. Ils ont éprouvé ce qu’ils savaient déjà implicitement et l’ont transmis aux élèves : pour parler à un autre, pour parler avec un autre, et selon les lieux, il y a des registres différents. Dans cette expérience, chacun peut construire son individualité comme ses liens d’appartenance, son sentiment profond d’être un sujet social et non un individu perdu dans une foule anonyme, asocial, faute de société autour de lui. Mais il s’agit d’une société participante avec des règles du jeu appropriées et réappropriées par chacun, et non d’une société de prescriptions normatives assignant à chacun à une place isolée de dépendance et d’exécution.

Ce sont les actes de paroles, dans des lieux institués, qui rappellent symboliquement la dissymétrie et la différence entre les générations, et qui soutiennent la structure collective d’autorité.

 
Les approches différentes de cet établissement sont-elles à l’œuvre dans l’École aujourd’hui ?

Je travaille avec différentes équipes de professeurs et intervenants depuis 1982-83 et dans nombre d’établissements « ordinaires », il y a des équipes qui ont engagé des projets et qui les soutiennent. Ces projets sont fondés sur une ou deux innovations. Au CLE, c’est tout le système qui est différent. Toutefois, il faut souligner que c’est grâce à toutes ces équipes, à toutes ces initiatives locales, à toutes ces actions et bonnes volontés « minuscules », et grâce à tous ceux qui font tout simplement leur travail avec détermination, en étant présent avec du répondant, que l’école reste vivante, malgré toutes les attaques mortifères dont elle est l’objet par bien des côtés. On est d’ailleurs étonné qu’elle soit encore debout. Remarquons que nombre de chefs d’établissement sont inquiets et se demandent quand va survenir la catastrophe inédite qu’un être humain va inventer, provoquer à l’école pour faire un éclat visible, faute de pouvoir s’adresser avec des mots à quelqu’un ce qu’il pourrait apprendre à dire et qui le ferait quitter l’impasse psychique et sociale où il est enfermé.

 
Dans le fonctionnement actuel de l’École, qu’est-ce qui vous interroge le plus et quelles mesures seraient utiles ?

La simplification déshonorante du discours public et médiatique sur la problématique de l’autorité. Il ne suffit pas de croire gérer les affects supposés de l’opinion publique pour servir la cause de l’École et des nouvelles générations.

Il faut travailler l’impensé de l’institution à l’École et la complicité involontaire de nombre de ses participants pour ne pas y voir plus clair. Tant que cette question des conditions institutionnelles incontournables à créer à l’École ne fera pas l’objet d’un travail de pensée et d’institution avec les différents acteurs, l’instauration d’une nouvelle autorité n’aura pas lieu, pas plus qu’une illusoire restauration de l’autorité d’autrefois, qui ne marchait pas aussi bien qu’on le dit et qui a fait de nombreux dégâts.

Nous sommes dans une ère de culture hypermoderne, caractérisée par la valorisation de l’excès, du pulsionnel, du paraître, de l’illimité, tout le contraire des repères qui permettent le processus d’humanisation ou de civilisation progressive. Cette culture est dérégulatrice et désintégrative. Il ne faut donc pas s’étonner des violences erratiques qui surgissent à l’École et ailleurs. Elles sont provoquées par l’absence de pensée sur ce que la société actuelle diffuse et institue de messages contradictoires aux enfants, de quoi les rendre fous. Les différents chapitres de cet ouvrage collectif, sans traiter de façon théorique ou approfondie cette question centrale de l’autorité, donnent toutefois des pistes pour réfléchir à la création d’institutions vivantes à l’École, comme celles qui ont fait leurs preuves au CLE.

Propos recueillis par Anne-Marie Martin

(Profession Éducation)

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