Vacances, soleil et corrida

C’est ce qu’on appelle un « marronnier », en journalisme, je crois. Périodiquement, de préférence en été, l’affaire resurgit des oubliettes. Cette année, c’est Renaud qui s’y colle. Il a prêté sa voix pour illustrer un clip anti-corrida. Et là-dessus, voilà que le clip en question est interdit de diffusion. Trop violent, on nous dit … Ah ? Et qu’est-ce qui est violent, exactement ? Le spectacle ou les images du spectacle ?  Comme on le connaît, le « chanteur énervé » ça l’a mis en rogne, tiens… Du coup, le clip, il passe en boucle sur le Net, avec des tas de gens comme vous et moi qui le regardent. Si on avait voulu faire de la pub aux assos anti courses de toros et autres réjouissances ibériques, on ne s’y serait pas mieux pris ! Oui, c’est vrai, c’est violent de voir un animal se faire torturer en plein soleil, sous les bravos d’une foule en liesse, par un type costumé comme pour un carnaval, que s’il sort comme ça dans la rue, les gamins vont lui jeter des pierres ! Oui, très violent, cette magnifique bestiole qui râle au sol, qui agonise la langue pendante… C’est à gerber, en vrai, et il se trouve encore des spectateurs pour trouver ça chouette comme divertissement. Alors, les aficionados, ils répondent que la corrida chez eux, c’est un peu comme le foie gras chez nous : une espèce de tradition ancestrale, et il ne fait pas bon la remettre en question… Quelque chose à ajouter ? Imparable, l’argument, n’est-ce pas ? Dans la même catégorie, ici, on avait il y a un bon peu de temps un truc qu’on appelait la guillotine, et à peine un peu plus vieux, la roue, et aussi le pal. Pour aller chercher moins loin dans le temps il y a aussi la lapidation des femmes adultères, là-bas vers l’Est. Pas comparable, dîtes-vous ? Ah bon ? Pourquoi ? Parce que le taureau n’est qu’une bête ? Sûrement. Mais qui prétend qu’un animal souffre moins qu’un humain ? Alors, vous allez me dire : Eh toi, là-bas, depuis quand t’es végétarienne ?  Ben oui, je sais… Et j’ai même pas honte… Vous allez me dire encore que je fais de la sensiblerie à deux balles, et vous aurez raison. J’ai vu aussi en son temps ce film d’horreur diffusé par la Fondation Bardot sur les abattoirs. Et figurez-vous qu’il m’arrive encore d’en rêver la nuit. Mais y a t-il vraiment un rapport ? Il ne me semble pas que les abattoirs refusent du monde à la tribune et qu’on doive payer sa place pour assister au dépeçage du méchoui ou du rumsteck sur pattes … Qu’est ce qu’on me dit encore ? Ah oui, j’oubliais : Picasso, Montherlant, Hemingway, tous ceux-là qui aimaient ça… Et alors ? Le statut de génie ne dispense pas de penser à l’envers, quelquefois, ou alors, ça se saurait. Autre pensée forte : la tauromachie était le seul moyen de s’en sortir pour des petits gars misérables, revoir le cas d’El Cordobès. C’est vrai, mais c’était il y a combien de temps ? Depuis, et c’est autrement plus réjouissant, de Barcelone à Malaga, l’Espagne est redevenu un pays démocratique et libre, non ? N’empêche, j’aime l’Espagne, celle de la vieille Castille, du côté de Soria, par exemple, celle des monastères extraordinaires de quiétude, des fontaines chantantes, des balcons d’opéra, des jardins reposants, mais si on se laisse aller à penser à ce qui se passe quelques mètres plus loin, dans les arènes, ça gâche un peu le bonheur de la balade esthétique.

A peine rentrée, me voilà déjà en colère. C’est mauvais pour mon karma, non ?! Manquerait plus que le Président nous donne son avis éclairé, histoire qu’on ne l’oublie pas ! (Eh ! Vous avez vu, j’y arrive presque à l’appeler Président… Comme quoi, avec de l’entraînement, on parvient à tout, y compris au plus bizarre !)

brigitte blang pour prs 57