La France, par la main de son Premier ministre, va donc signer l’extradition de Marina Petrella. Activiste italienne dans les années de plomb, elle s’était réfugiée chez nous. François Mitterrand avait promis en ce temps-là la protection de notre pays à Marina et ses amis. Parmi lesquels Cesare Battisti. Voilà de nouveaux présidents aux affaires. Et, autre temps, autres mœurs, la parole de la France est bafouée. On a arrêté Marina. Devant sa petite de dix ans. On l’a jetée au cachot. Elle y est encore. Et maintenant, on va l’extrader. Réveille-toi, Mitterrand, ils ont bradé ta parole ! J’en entends déjà, et parmi mes amis les plus chers, qui vont encore me dire que je joue au chevalier des causes perdues. Que ce n’est pas bien défendable de se battre pour ces gens-là qui ont assassiné et abattu froidement des dizaines (des dizaines, vraiment ???) de braves italiens qui n’y étaient pour rien. Soit. Mais moi qui ne possède, contrairement à notre bien-aimé président, qu’un seul cerveau, et qu’un cœur aussi, correctement irrigués tous les deux, je préfèrerai toujours être du côté de la révolution que de celui de l’ordre établi, fût-il juste. En attendant, et pour recadrer le topo, je vous remets ici le texte de la chanson que Dominique Grange a consacrée à cette affaire. Ça s’appelle Droit d’Asile.
Droit d’asile
Paroles et musique Dominique Grange
Ils sont venus de Florence Donne, donne-moi,
De Rome ou bien de Milan Donne-moi le droit d’asile
Dans notre beau pays de France Je voudrais accoster
Après les années de plomb Donne, donne-moi,
Ils portaient des noms d’ailleurs Donne-moi le droit d’asile
Paolo, Roberta, Oreste Si je reprends la mer…
Impénitents voyageurs J’irai droit aux galères
Enrico ou Cesare
Un beau jour le Président
Donne, donne-moi, S’en est allé sans crier gare
Donne-moi le droit d’asile Et bientôt son remplaçant
Je voudrais accoster A trahi ses engagements
Donne, donne-moi, Paolo persécuté
Donne-moi le droit d’asile Par l’Europe judiciaire
J’ai déjà jeté l’ancre… Fut conduit à la frontière
Je n’veux plus bourlinguer Puis dans un cachot fut jeté
Sans boulot, sans domicile, Donne, donne-moi,
Sans repères et sans copains, Donne-moi le droit d’asile
Les débuts furent difficiles Je voudrais accoster
Dans les années quatre-vingt Donne, donne-moi,
Mais un jour le Président Donne-moi le droit d’asile
Leur offrit sa protection L’exil interminable…
Et pendant plus de vingt ans M’empêche de rêver
Rien n’altéra cette illusion
Marina ou Cesare
Donne, donne-moi, Camarades venus d’ailleurs
Donne-moi le droit d’asile Les italiens réfugiés
Je voudrais accoster Vivent à nouveau dans la peur
Donne, donne-moi, Car vingt-cinq années plus tard
Donne-moi le droit d’asile Il revient le cauchemar
‘Y a quelqu’un qui m’attend… Avec l’État qui crie vengeance
Là-bas sur la jetée Et veut briser leur existence
Peu à peu ils ont forgé Donne, donne-moi,
Avec des femmes, avec des hommes Donne-moi le droit d’asile
Des amours, des amitiés Je voudrais accoster
Dont ils ne furent pas économes Donne, donne-moi,
Et les petits qu’ils ont faits Donne-moi le droit d’asile
Ne peuvent s’endormir le soir Je veux rester ici…
Sans recevoir leurs baisers Où mon enfant grandit.
Ils ont bien trop peur dans le noir
(Paris, 2003)
À Paolo Persichetti, extradé en août 2002 et emprisonné depuis dans les geôles italiennes. À Cesare Battisti, en cavale depuis 2004, arrêté en mars 2007 et enfermé depuis dans les geôles brésiliennes. À Marina Petrella, arrêtée en août 2007, enfermée depuis lors dans les geôles françaises et aujourd’hui sous une menace d’extradition vers l’Italie où elle a été condamnée à la prison à perpétuité pour des faits remontant à plus de 25 ans. Aux réfugié(e)s italien(ne)s dont la liberté est à nouveau menacée par la remise en cause de la protection garantie par le Président Mitterrand, en 1985, à des femmes et à des hommes qui ont reconstruit ici leur vie depuis plus de vingt ans parce qu’ils ont fait confiance à la parole donnée par notre pays.