Un 12 Mai pas comme les autres.
Aujourd’hui et comme tous les ans, ce mercredi voit s’ouvrir entre paillettes et fanfreluches le festival du cinéma. Pour vous, je ne sais pas, mais moi, ça me fait toujours comme un petit sentiment, ce truc-là. Oui, on aime ça ou pas. Moi, je me classe définitivement dans le groupe des amoureux absolus. Sauf que pour nous, la montée des marches s’était faite un peu plus tôt dans l’après-midi, les marches de l’Hôtel de Ville de Forbach, pour présenter un scénario que le pire auteur de films d’horreur n’aurait pas imaginé. En deux mots, voilà l’objet de nos révoltes.
Par chez nous vivait une famille kosovare. Une famille comme beaucoup d’autres, venue ici chercher ce qu’elle ne trouvait plus chez elle : la paix, la douceur de vivre, du travail, une école pour ses petits, et très accessoirement, des soins pour un de ses enfants, Ardy. Un gamin polyhandicapé, qui a besoin de soins constants et d’assistance médicale quotidienne. Quand il est arrivé en France, Ardy était dans un état alarmant, mais ici, on l’a soigné et quoi, il n’est pas mort. Ce n’était pas gagné dans son pays. Pensez, être Rom, au Kosovo, ce n’est pas franchement idéal pour être dorloté… Alors, bon, Madame et Monsieur Vrenezi, on leur avait dit : la France, c’est un pays généreux, libre, et où on ne maltraite pas les gens simplement parce qu’ils sont nés trop ceci ou pas assez cela. Enfin, c’est comme ça qu’on aimerait l’aimer, la France. Parce que lundi dernier, les gendarmes, à 30, - oui, on ne sait jamais, si le gamin s’était barré en fauteuil roulant…- sont venus arrêter tout le monde, adultes et enfants. Il en manquait un à l’appel, Ardy, justement, qui était à cette heure-là dans son IME à quelques kilomètres de là. Vous n’y croyez pas ? Et pourtant si, les archers du Roi sont allés le cueillir là-bas, avec armes et tout le tintouin. Vous imaginez leur angoisse à tous ? La famille, les enfants, et tous les autres, tous ceux qui sont soignés dans le même institut, des petits mômes dont certains, faute de pouvoir parler, devront garder cette peur-là enfouie dans une cachette bien sombre. Après ? Oh c’est tout simple, comme toujours dans ces cas-là. Ils devaient bien se douter que là, franchement, ils poussaient le bouchon un peu loin. Alors, ils les ont embarqués dès le mardi matin vers Pristina. En laissant le fauteuil du gamin sur le tarmac…
Voilà ce qui se passe au beau pays du Grand Jaurès, du Grand Hugo. Voilà ce qui arrive à de pauvres gens, persécutés chez eux, et qui ont eu le tort de croire qu’en France, rien de mal ne peut arriver aux malheureux. Voilà, mes camarades, et vous tous qui lisez ces lignes, ce qu’on fait en VOTRE nom, au nom de cette République qui nous est si chère.
C’est pour dénoncer cette usurpation de pouvoir qu’un collectif s’est mis en place, autour d’Ardy et de sa famille. Collectif auquel le Parti de Gauche en Moselle s’est bien évidemment associé. C’est pour dire notre opposition que nous avons nous aussi monté des marches cet après-midi, derrière nos drapeaux et nos banderoles. C’est pour résister aux représentants de l’ordre que nous avons créé le désordre dans le centre de la ville. C’est pour crier haut et fort que nous serons toujours aux côtés des Ardy et de tous ceux qui lui ressemblent que nous sommes restés debout pendant deux heures devant la sous-préfecture. C’est enfin et surtout pour dire que notre capacité d’indignation est intacte et que les uniformes de lâcheté nous trouveront devant eux, à chaque fois qu’il le faudra.
brigitte blang PG 57