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le blog de brigitte blang

l'actualité politique vue par une militante du parti de gauche.


C'était 68

Publié par prs 57 sur 18 Juillet 2007, 22:45pm

Catégories : #histoires et histoire

Les murs ont la parole

Juillet, le mois des rangements. Au détour d’une étagère, je tombe sur un bouquin tout rabougri, tout écorné, trop aimé peut-être ? Un tout petit livre, édité chez Tchou. Ça existe encore cette maison-là ? En tous cas, le 20 juin 1968, ils avaient sorti ce petit récapitulatif de tout ce qui avait pu se lire sur les murs de Paris en ces semaines agitées de juste avant. Ils l’avaient appelé très justement « Les Murs ont la parole ». Pour nous remettre en mémoire ce que ça donnait, d’écrire (et de lire) sur le béton, en ce temps-là, je vous en livre quelques-uns, en plusieurs épisodes, les uns diront graffitis, les autres dazibaos, qu’importe, c’est l’intention qui compte. bb prs57


D’abord, la préface de Julien Besançon, qui dit :

 «  Cette fois aussi, c’était au temps des cerises.

La Commune de Paris allait être centenaire. On lavait toujours les façades. Les murs disponibles portaient blanc des uniformités sans âge ; seule, ou presque, la Sorbonne restait noire. La rue, la rue alors ne voulait dire qu’embouteillages. « Défense d’Afficher » n’était pas encore un poème, mais une loi d’un autre siècle.

L’un des premiers, qui dynamita à la bombe de peinture, a pulvérisé en rouge « Interdit d’interdire » : c’était attaquer la forteresse au badigeon et, en coloriant le mur, vouloir faire tomber les murs.

« Ici, on dépoussière » a balayé un panneau et le journal mural, sans les idéogrammes de Pékin, mais avec les idées qui de Proudhon à Bakounine, des surréalistes aux situationnistes, agitent la France depuis ses plus anciennes barricades, s’écrasèrent comme les cerises de ami sous les fresques de Puvis de Chavannes, les couloirs des amphithéâtres, les tours de la Faculté des Sciences et les hôtels Louis XV de l’île Saint-Louis.

Le graffiti en soi devenait liberté. Et combien de sincères ont écrit « je n’ai rien à écrire » : ils n’étaient pas naïfs. Ils ont crié pour se « sentir avec ».

Célébration d’un anonymat qui participe. Ceux qui ont créé n’ont pas signé, annexant l’auteur aux circonstances.

Mais sur ces cris, au clou sur la craie, à la chaux sur le parpaing, l’encre sur le papier, niant la politique, contestant la philosophie, l’esthétique, la poésie ont créé. Forum vertical, démocratie de la rature : les rajouts, les réponses instituaient le dialogue.

Déjà les lessivages blancs de juin écrasent à plat les pamphlets noirs et rouges de mai : on repeint.

Pour la première fois sans doute, un monument historique n’avait pas prétention de l’être.

Les dissonances et les discussions, monument éphémère d’un printemps auraient disparu…

Ces murs aux grandes oreilles, qui revendiquent la parole, n’auraient plus eu d’yeux ? Pourquoi ?
D’où ce recueil. » 


Julien Besançon, vous allez dire, c'est qui? Un journaliste, qui avait couvert la guerre d'Algérie, et plutôt pas mal, d'ailleurs. Il est de bon ton aujourd'hui de le dénigrer, de prétendre qu'il bidonnait ses reportages... Après tout, rien que pour ce bouquin, d'avoir eu l'idée de le faire, d'écrire cette ouverture, déjà, c'est pas mal, non? Pour le reste, l'histoire dira...

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