Sous prétexte que le monde a changé on devrait s'interdire de le juger, s'interdire de le penser transformable et surtout de l'apprécier avec quelques critères intellectuels et moraux de lecture du réel.
Il en est ainsi des éléphants du PS: chargés de tous les maux, mais pas tous, alors même cependant que dans une harde la mère principale ne compte pas pour du beurre; apparemment éléphant en politique n'a pas de féminin et ne se rencontre qu'au PS! Comprenne qui pourra, car une espèce menacée mérite protection. Et depuis Babar, au moins, tous les éléphants me paraissent éminemment sympathiques.
La campagne contre les éléphants (on vient d'autoriser le Japon à acheter 80 tonnes d'ivoire africain, ça en fait des éléphants abattus par des braconniers), cette campagne indigne de media honnêtes, continue après les débats internes (vraiment?) au PS pour la désignation de son candidat à l'élection présidentielle et après la campagne, qui au nom du vote utile et du saut de génération a refusé de parler des choses sérieuses. Evidemment un éléphant a du mal à sauter... d'une idée à l'autre par exemple!
Qui parle d'éléphant, pense souvent mémoire d'éléphant; est-il si anormal après tout, de savoir qui l'on est, d'où l'on vient, où on veut aller et pourquoi? La politique est une écriture de l'histoire et elle ne procède pas plus du néant que l'économie ne procède de la nature. La politique ne peut s'imposer aux hommes que pour les servir, sinon de quelle légitimité dispose-t-elle? Elle est donc analysable, contestable, à la fois inscrite dans une continuité et variable en fonction des données du moment. Mais dans tous les cas elle doit être en phase avec les mentalités des contemporains, ce qui suppose qu'on les connaisse et il n'y a pas de connaissance d'instinct; à la rigueur des conduites... Autrement dit, la bonne politique est un choix entre des possibles, un choix réel, un choix fondé. Il n'en existe pas surgi ex nihilo. Et chacun sait que les mentalités évoluent lentement.
Le temps, voilà l'affaire: il faut consommer, beaucoup, vite; il faut s'enrichir, beaucoup, vite, sans vergogne, "en dormant"! Tout ce qui impose des délais, la pensée, par exemple devient suspect aux marchands, aux spéculateurs et à leurs séides politiques; mais quelle civilisation peut-on bâtir sur la précipitation, la mode et l'urgence de l'instant? Ou sur l'égotisme des élus fugitifs du théâtre d'ombres que devient la scène politique?
Au moins un éléphant n'est pas transparent et face à l'imposture, à la trahison des valeurs, à la corruption des esprits, un peu de poids est nécessaire.
Et puis pour écraser des godillots, rien de tel qu'un éléphant.
(par Jean-Paul Bauquier sur le site "Aux armes citoyens" à trouver juste à côté, là en bas à gauche, ben oui, à gauche!)