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le blog de brigitte blang

l'actualité politique vue par une militante du parti de gauche.


« J'ai tiré les leçons de l'expérience »

Publié par prs 57 sur 25 Juillet 2006, 18:24pm

Catégories : #prs57

Laurent Fabius s’explique sur son évolution personnelle. Défenseur du " non " l’an dernier, il dit comment il envisage de sortir de la crise européenne actuelle. Ardent partisan, au sein du PS, d’une ligne qui permette le rassemblement à gauche, il jauge l’apport du mouvement altermondialiste et celui de l’écologie.

Dans une conjoncture où tout le monde joue un peu des coudes, on vous entend et on vous voit peu. Est-ce une stratégie ? On a l’impression en particulier que vous ne cherchez pas à faire fructifier l’acquis de votre position pendant la campagne référendaire.
Laurent Fabius : j’ai pris une position forte contre la Constitution européenne et je la revendique. Elle avait une signification double, contre la dérive de l’Europe depuis dix ans et contre le libéralisme que consacrait ce texte. Je militais – et je milite plus que jamais – pour une Europe différente, démocratique, sociale, écologique. Cela dit, il est vrai qu’il n’est pas facile de percer le mur de l’indifférence de certains médias. C’était un peu la même chose, six mois avant la victoire du " non ", on connaît la suite… Il est vrai que je ne veux pas m’inscrire dans la " peopolisation " - degré zéro de la politique moderne -, et j’aggrave mon cas en tentant de traiter les questions de fond. Au total, j’ai bien l’intention de m’exprimer plus fort à l’approche de la période où les socialistes vont choisir leur candidat. Il sera vraisemblablement le candidat de toute la gauche, c’est donc un choix de première importance sur laquelle il ne faut pas se tromper.
Est-ce que vous y croyez encore ?
Bien sûr ! La France a besoin d’un vrai changement, celui-ci ne peut être mis en pratique que par la gauche rassemblée, et ce rassemblement ne peut s’opérer que sur un projet politique authentiquement de gauche. Il faut donc absolument, parce que c’est la clef de l’alternance et de la victoire, que ce refus du " tout-libéral " prévale. J’en suis porteur au sein du PS et je constate qu’il inspire désormais largement son projet. Il reste à l’enrichir et non à le démolir. Mais, il n’y a pas que le texte. Il y a aussi son interprétation et son incarnation par notre candidat. Ce sera l’enjeu de nos débats de désignation à l’automne.
Vous êtes dans une stratégie interne au PS. Il n’y a pas d’autre hypothèse ?
Je suis membre du PS et j’espère bien qu’il portera son choix sur moi, puis que l’ensemble de la gauche fera de même. J’agis et j’agirai dans ce but. Ce n’est pas avec une ligne sarkosyste ou blairiste que l’on va pouvoir gagner les élections pour changer les choses en France. En tout état de cause, il faudra jouer collectif.
Est-ce que vous craignez que les nouveaux adhérents changent l’équilibre des forces au sein du PS ?
Passer de 130 000 à environ 210 000 adhérents constitue d’abord une bonne nouvelle ! Beaucoup ont adhéré par Internet, technologie excellente mais qui n’est pas encore, il est vrai, généralisée dans toutes les couches de la société. J’ai rencontré beaucoup de nouveaux, notamment qui ont voté " non " à la Constitution, et qui me soutiennent. Tous veulent battre la droite et s’interroge sur la meilleure façon d’y parvenir. Pour le reste, je suis incapable de vous dire s’ils seront impressionnés par la gigantesque opération médiatico-sondagière à laquelle on assiste aujourd’hui ou s’ils penseront qu’un parti politique de gauche est un espace où il faut garder une fonction critique vis-à-vis du système dominant. Il est essentiel que les militants puissent choisir en toute connaissance de cause. C’est pourquoi je souhaite avec force – je ne suis pas le seul – que soient organisés de véritables débats entre les candidats à l’investiture. Curieusement, celles et ceux qui réclament volontiers de la démocratie " participative " à l’extérieur semblent préférer que ces débats se déroulent sous des formes restrictives à l’intérieur… Je serais très choqué si, dans une élection aussi importante, les militants devaient se prononcer sans posséder tous les éléments du chois. La démocratie, c’est d’abord le débat.
Il y a eu le " non "  au traité constitutionnel européen, là vous dites incarner le refus du " tout-libéral ". Vous avez changé ?
Les valeurs auxquelles je crois ont toujours été les mêmes. J’ai toujours été socialiste. La solidarité, la liberté, la laïcité, l’égalité sont les fondements de mon engagement. Mais, je le reconnais, certaines modalités d’action doivent évoluer. Le monde, l’Europe et même la France d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes qu’il y a vingt ans ou même dix. Le capitalisme est plus international, plus financier, encore plus brutal, qu dans le passé. La précarité est au cœur de la société, et non plus à sa périphérie. L’Europe, composée au début de pays de niveaux social et économique comparables qu’elle devait protéger et faire progresser, tend à devenir une vaste zone de libre échange insuffisamment démocratique et socilae. Voilà la réalité. Certains les sous-estime ou s’en accommodent. Je refuse de la subir et je vveux faire bouger les choses.
J’ai aussi tiré les leçons de l’expérience. Il y a eu de très bons aspects dans ce que, collectivement, nous avons accompli au pouvoir, mais aussi des erreurs. Nous n’avons pas été battus en 2002 par hasard. Moins de 15 % des ouvrier ;, des employés et des enseignants ont voté pour notre candidat. Mes réponses ne sont donc pas toutes les mêmes que celles que nous pouvions, que je pouvais apporter, il y a dix ou quinze ans. En ce sens, il y a eu des changements.
L’Europe est en crise, le temps de réflexion sur son avenir a été prolongé. Comment voyez-vous une sortie de cette crise ?
C’est la crise européenne qui a débouché sur le " non ", et pas le " non " qui a suscité la crise européenne. Un certain nombre de ceux qui faisaient campagne pour le " oui " répugnent encore à reconnaître que le peuple français a tranché souverainement. En ce qui concerne MM. Chirac, Sarkosy et Giscard, c’est évident. Ils le peuvent accepter que les citoyens décident dans un sens qui n’était pas le leur.. Alors, ils inventent des théories : le peuple français n’a pas vraiment voté comme il l’a fait ; il a été trompé par de mauvais bergers ; on n’aurait pas dû lui envoyer la totalité du texte mais des extraits, etc.
Maintenant que faut-il faire ? Le sommet européen, mi-juin, a commencé par reconnaître ce que nous disions : on ne peut pas faire revoter le texte par ceux qui l’ont refusé, et il faut se remettre autour d’une table pour préparer d’autres solutions. Les décisions finales devront être prises au deuxième semestre 2008, sous présidence française. Cela gêne M.Chirac et quelques autres car lorsque nous entrerons véritablement dans la renégociation, on devine que le président de la République et le gouvernement n’auront pas, s’ils sont issus du " oui ", une crédibilité extraordinaire pour expliquer à leurs partenaires qu’ils veulent un autre texte alors qu’eux-mêmes trouvaient excellent le précédent. Et inversement. On est toujours plus convaincant quand on défend ses idées plutôt que celles des autres !
Comment voyez-vous cette renégociation ?
Il faut distinguer le contenu des politiques et la démarche proprement institutionnelle. Sur le contenu des politiques, je souhaite obtenir des modifications importants. Nous avons besoin par exemple d’une politique énergétique européenne. Quand on voit le ballet lamentable qui s’organise autour de GDF, Suez, Enel, E.O.N… il y a des problèmes énergétiques communs qu’il faut traiter. Il faut aussi une autre politique en matière de recherche. C’est une clef des développements futurs, mais l’Europe est en retard faute d’y consacrer les ^moyens. Même remarque pour les changements indispensables concernant la politique monétaire, la BCE et ses objectifs d’action. En matière budgétaire, on ne peut pas développer la politique de solidarités nécessaires vis-à-vis des " nouveaux pays ", appeler à une nouvelle croissance et réduire ou limiter en même temps le budget comme cela a été décidé. On ne peut pas non plus continuer l’élargissement comme si la question de l’harmonisation fiscale et sociale par le haut ne devait pas être préalablement réglée. S’agissant de la renégociation institutionnelle, il est presque admis que la fameuse partie III, la plus lourd, la plus technique et la plus libérale, n’a pas sa place dans une constitution, ce qui ne veut pas dire, comme je viens de le souligner, que ces dispositions ne devront pas être modifiées. ON peut reprendre l’essentiel de la partie II, la charte des droits fondamentaux, qui comporte des dispositions souvent positives même si tel ou tel point est à corriger. Et puis, il faut revenir sur les parties I et IV, où certains éléments doivent évoluer tels que le nombre de commissaires, les clauses de révision, ou la défense des services publics.
Comment faire ?
A la fois avec des partenaires et un calendrier. Nos partenaires doivent être en priorité les pays euro-volontaires, les plus proches de nous (Allemagne, Belgique, Italie, Espagne…). Le calendrier comporte trois dates importantes. En 2007 d’abord, cette question devra être au centre des débats de la présidentielle. Contrairement à ce que soutient M.Sarkozy, un nouveau texte devra être soumis à référendum, et non au seul Parlement, sinon ce serait un déni de démocratie. En 2008, il faudra préparer la présidence française, dont les chefs d’Etat et gouvernement ont reconnu qu’elle devrait être conclusive, il faudra donc aller vite. Enfin en 2009, nous élirons un nouveau parlement européen dont l’influence sera certainement grande. Beaucoup estiment mêmes qu’il devrait recevoir un mandat constituant. Il faut en discuter.
Un réseau d’associations environnementalistes juge le projet socialiste " pauvre " sur les questions d’environnement, " catastrophique " sur les changements climatiques. Qu’en pensez-vous ?
Le texte doit être enrichi sur ce point. Historiquement le PS a été un parti industrialiste. La défense de l’environnement n’était pas vraiment un sujet. L’apport des écologistes a été de faire prendre conscience, pas seulement aux socialistes, qu’il y avait un capital, le travail, mais aussi la nature, et que leur synthèse avait l’humanité pour enjeu. Dans ce que j’ai appelé social-écologie, j’ai moi-même insisté sur le fait que les socialistes doivent être des …écologistes. Alors, même si le texte est encore à enrichir, il est sans commune mesure avec ce qui existait dans le passé. Si je suis élu président de la République, je nommerai un vice-président ministre chargé de l’environnement et des affaires européennes. Car j’ai acquis la conviction qu’un ministre trop spécialisé sur ces questions pourtant transversales n’a pas la capacité de faire valoir ses choix.
Autre apport à la gauche : un mouvement altermondialiste est apparu ces dix dernières années. Quel jugement portez-vous sur lui ?
L’idée qu’un autre monde est possible anime des millions de personnes à travers le monde. La notion même d’altermondialisme est juste. C’est aussi ma démarche. L’homme n’est pas fait pour servir le profit et l’économie, mais l’inverse. C’est tout le combat entre libéralisme et régulation. S’agissant des organisations altermondialistes, elles ont pris des positions avec lesquelles je suis souvent d’accord.
Au premier tour de la présidentielle, plusieurs organisations politiques de gauche présenteront sans doute leur candidat. Mais, au deuxième tour, il faut qu’au sein de la gauche, et les altermondialistes en font partie, le rassemblement puisse s’opérer. Il est donc indispensable que la matrice du projet socialiste fasse écho aux valeurs altermondialistes et réciproquement. S’agissant de la formation du gouvernement, à chacun de prendre ses responsabilités et de dire s’il souhaite rendre possible la transformation sociale et politique indispensable.
Vous suggérez que chaque parti va présenter son candidat, pourtant l’existence d’un appel au rassemblement de la gauche antilibérale montre que ce n’est pas certain.
Il existe, me semble-t-il, deux mouvements contraires. D’un côté, un constat de bon sens : on est plus fort rassemblés que divisés. De l’autre, les organisations ont chacune leur tradition et leur état-major. Souvent, elles goûtent " l’inimitable saveur que l’on ne goûte qu’à soi-même ", selon la phrase de Paul Valery. Je ne sais pas ce qui l’emportera : le rassemblement ou la dispersion ? Ce que je souhaite, parce que c’est la condition du succès, c’est que le PS adopte un projet qui permette le rasseMblement au second tour et que, pour les organisations donc nous parlons, le choix du second tour soit vraiment entre la droite et la gauche. Donc, rassemblement.
L’appel en question semble aller dans ce sens…
Encore faut-il que les actes ne le contredisent pas ! La remarque supplémentaire que je ferai concerne les verts. Je suis de ceux qui pensent utile qu’il y ait un candidat vert au premier tour de la présidentielle : l’idée écologique est une idée très forte, et sans candidat écologiste authentiquement de gauche, nous risquons une sorte de détournement de l’écologie du côté droit. Je dis " détournement ", car il y a une contradiction entre les idées du mouvement écologiste et les idées libérales. Le fait qu’une candidature situe clairement l’écologie à gauche est donc que chose d’important. Mais, je m’interdis d’exercer une pression.
Verriez-vous d’un bon œil une candidature unitaire dans ce qu’on appelle la gauche de la gauche, à condition qu’elle joue le jeu au second tour ?
Je suis preneur de tout ce qui peut renforcer les chances du rassemblement. Il faut battre la droite pour proposer aux français ce qu’ils attendent : un vrai changement.


PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY BRUN, DENIS SIEFFERT ET MICHEL SOUDAIS POUR POLITIS

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