ça m'agace!

 

Ça faisait un petit moment que je ne m’étais plus trop mise en rage contre tout ce qui bouge, tout ce qui brille, tout ce qui agace. La sagesse due à l’âge ? Va savoir… Et puis voilà-t-il pas qu’une sale grippe me tient à la maison tout un long week-end. Du coup, télé, et à dose thérapeutique. Ben dites-moi, ça ne change pas beaucoup de ce côté-là du monde… Échantillon, pour vous seulement. Attention, ça décoiffe !

D’abord, vous avez droit à une nouvelle de qualité. M. Karoutchi, qui joue au gouvernement le rôle de courroie de transmission avec le Parlement, Monsieur Karoutchi, donc, nous a gratifiés d’un scoop de première. Il a « avoué » son homosexualité. Avoué ? Ouh la ! D’abord, ça fait déjà une paire d’années que cette histoire-là n’est plus à ranger au rayon des « péchés » qu’on avoue. Ce garçon, il dort avec qui il veut, après tout, c’est son problème et celui de son chéri, et en aucun cas le nôtre. Vous imaginez le truc, si tout le monde se met à dire avec qui il (ou elle… bien sûr !) grimpe au 7^ème ciel. Ça risque de faire un peu désordre, y compris dans des endroits insoupçonnés ! Si quelqu’un d’informé peut me dire pourquoi il a tenu à le claironner sur la place publique, ça m’intéresse. Maintenant, si on m’explique qu’en effet Roger Karoutchi a fait cette « révélation » pour éviter les planches savonneuses que ses propres amis risquaient de lui glisser sous les pieds au moment des régionales, c’est autre chose. Mais enfin, la presse s’est emparée de cette bulle avec un empressement que nous pouvons sans peine comprendre. Il faut dire que ces temps-ci, la presse elle n’a rien d’autre à se mettre au menu. Pas de crise, pas de chômage qui grimpe, pas d’atteinte aux libertés, pas de problèmes de pouvoir d’achat, pas de surpopulation carcérale non plus. Bref, tout baigne au beau pays de France. Alors, si on peut, pour combler le vide sidéral de l’info quotidienne, se gargariser d’un morceau croustillant, on va pas se gêner, tiens donc !

Épisode 2 : sur France 2 samedi soir. Chez Ruquier, l’invité politique, c’est Laurent Fabius. On pense ce qu’on veut du militant socialiste, mais on doit reconnaître que dans la catégorie homme d’État, c’est tout de même une pointure. Déjà, le soir de la présidentielle, souvenez-vous, sur TF1, on l’avait interrompu pour interviewer un collègue à lui, fraîchement débarqué en politique : Johnny Hallyday soi-même. L’avis de Johnny, c’est autrement plus important que celui d’un ancien premier ministre, reconnaissez-le. Eh bien samedi, on lui a refait le coup. Avec Coffe cette fois. Coffe, il venait pour vendre son bouquin. Une idée de génie, vous allez voir : comment par les temps qui courent, crise et le toutim, faire à manger pour 4 avec 9 euros par jour. Ça doit bien faire trois semaines qu’il se trimballe de plateau télé en studio de radio, le père Coffe avec son bréviaire de recettes. Trois semaines qu’on l’entend répéter, chez tout le monde qu’au petit déj, il faut « caresser » sa tartine avec un soupçon de beurre… Trois semaines à l’entendre vanter les mérites des fins de marché, et des légumes oubliés. Trois semaines que j’ai envie de lui téléphoner pour lui demander combien il le vend son truc pour pauvres… Parce que tout de même, avant de les appliquer, ses remèdes pour pouvoir d’achat malade, faut d’abord l’acheter l’ordonnance du bon docteur Coffe… Alors, stop, qu’il arrête de venir nous donner des leçons, ça m’énerve et ça c’est mauvais pour la digestion. Alors, Fabius dans tout ça ? Pas grand-chose, puisque l’autre jardinier s’en est pris à lui, bien sûr, style vous les politiques, vous ne faites jamais votre marché, vous ne savez pas le prix du pain et j’en passe. Comme c’est Coffe et qu’on  l’aime bien dans les studios, les spectateurs applaudissent, bien sûr ! Tu parles, si tu peux te payer un politique, un samedi soir, après le dîner, tu bois du petit lait…! Fabius l’a pris comme il fallait le prendre, c'est-à-dire qu’il est revenu à ce pourquoi on l’avait invité : les incidents à l’Assemblée. Ça Coffe, il ne connait pas, ce n’est pas son rayon. Un peu comme Fabius avec la recette du potage de légumes. Chacun son métier, on va dire.

Pour le reste du week-end, on a eu aussi l’ami du président, Ben the sixteenth, qui nous en a fait une jolie aussi. Rien de moins que réhabiliter les évêques sacrés par monseigneur Lefebvre, qui fut à la modernisation de l’Église ce que Christine Boutin fut à l’adoption du PACS. Nous, la messe en latin, on s’en fiche un peu, un peu beaucoup même, vu que… Alors, ils se débrouillent entre eux, ils se fâchent, se défâchent, pendant ce temps-là, ils pensent à autre chose qu’à des interdictions imbéciles, virginité, préservatif et Cie. Là où ça devient infiniment moins drôle, c’est lorsqu’on apprend qu’un de ces beaux messieurs est un révisionniste de la plus belle eau. Là, vraiment, c’est pour le coup que ça fait désordre… 

Et puis un dernier motif d’aigreur d’estomac : la façon dont on nous présente le mouvement social de jeudi. Vous pensez qu’on nous explique les tenants et les aboutissants des grèves, qu’on nous dit ce qui les fâche, les grévistes, ce qui les pousse à perdre une journée de salaire, déjà qu’ils ne gagnent pas tripette, vous croyez ça ? Vous n’y êtes pas du tout. Ce qui intéresse les médias, c’est comment les « otages » vont se débrouiller sans trains, sans bus, sans profs, sans gaziers, sans rien qui marche, quoi. Ça, ça les intéresse, les folliculaires, et pas qu’un peu ! Depuis une bonne semaine, ils attisent les braises. Ils fustigent en amont, des fois que jeudi, on ne sait jamais, les « otages » soient atteints du syndrome de Stockholm… Eh bien, c’est perdu. Parce que les sondages eux, ils disent exactement le contraire : les « otages » ils la soutiennent cette grève-là… Et toc !

brigitte blang pg 57