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le blog de brigitte blang

l'actualité politique vue par une militante du parti de gauche.


pour faire mémoire

Publié le 18 Septembre 2008, 23:00pm

Catégories : #un petit tour chez les socialistes


À quelques encablures d’un congrès décisif pour l’avenir du Parti Socialiste, ici, à PRS57, nous avons pensé qu’une petite piqûre de rappel ne pouvait faire de mal à personne. Ci-dessous, donc, un texte magnifique, qu’on ne peut pas relire sans avoir l’œil humide. Il s’agit du discours de Liévin, prononcé par François Mitterrand, le 19 novembre 1994. Il allait quitter le pouvoir six mois plus tard. La maladie l’avait bien affaibli (nous nous en rendrons compte encore davantage en décembre à Strasbourg), mais relisez ces mots sans ambigüité. S’ils ne sont pas d’un très grand homme d’État, alors, qui l’est ? Ce déplacement devait commémorer la catastrophe minière de 1974. Dans le même temps, le président répondait à l’invitation des socialistes à participer d’une façon ou d’une autre à leur congrès. Quelle élégance du verbe, quelle justesse du ton, quelle véritable conviction… On se prend soudain à rêver à ce qui pourrait se passer pourvu que la mémoire nous revienne. Mes camarades, encore un effort pour devenir socialistes !

 

Mesdames,
- Messieurs,
- Chers amis,
- Je tenais à me trouver parmi vous aujourd'hui. Les obligations du calendrier font que sont ici réunis celles et ceux avec lesquels j'ai si longtemps combattu et que je suis heureux de retrouver en cette circonstance commémorative. Si l'on a besoin de quelques considérations de caractère politique, ce n'est pas le lieu. Nous irons à la mairie tout à l'heure et nous pourrons davantage échanger nos propos. Mais ici, nous somme venus célébrer une grande catastrophe ouvrière. J'ai lu quelque part, et entendu que ce n'était pas la place d'un Président de la République que d'aller si près d'un congrès politique : je regrette même de ne pas y être tout à fait, pour dire la vérité |
- Mais, là n'est pas l'essentiel. J'estime, et cela dépasse tout à fait ma personne, et concerne ma fonction, que le Président de la République est partout chez lui, surtout sur les lieux où les Français travaillent et souffrent, surtout là où s'affirme le développement de la bataille menée depuis le début de l'ère industrielle pour que la classe ouvrière et l'ensemble du peuple français obtiennent les droits qui sont les leurs.
- On venait de fêter Noël en famille à Liévin, c'était le vendredi 27 décembre 1974. À la reprise du travail, vers six heures, l'explosion se produisit et causa la mort de quarante-deux mineurs, blessant six autres grièvement. Voilà ce que vous avez vécu et les souvenirs que vous avez bien voulu porter ici en témoignage. Je vous en remercie.
- Ces quarante-deux morts à Liévin, ville touchée pour la cinquième fois en un siècle, venaient après tous ceux de Bully, d'Aniche, de Courrières, de Noeux, d'Anzin, de Béthune, d'Oignies, de Bruay, de Hénin, de Lens, d'Auchel, de Barrois, de Fouquières, la liste est longue et pourrait continuer. Et l'on ne voudrait pas qu'une foule de Français fidèles aux souvenirs puissent se rassembler pour célébrer ce long martyre ?

Aujourd'hui, vingt ans après que cette ultime tragédie de la mine a endeuillé le Pas-de-Calais et la France tout entière, je mesure mieux le sacrifice des mineurs qui, pendant plus d'un siècle, ont donné par milliers leur vie afin d'extraire le charbon, de permettre l'industrialisation de notre pays et son expansion économique dont on parle tant aujourd'hui, mais qui n'auraient pas eu lieu si, au point de départ, il n'y avait eu ce sacrifice, cette disponibilité, ce travail, ce courage.
 - Si ces disparus pouvaient parler, ils nous diraient : « Prenez la mesure de ce que nous avons accompli, mais surtout faites que ces sacrifices ne soient pas inutiles ». Ils rappelleraient que grâce à leur détermination Arthur Lamandin put établir dès 1882 à Lens, la première chambre syndicale des mineurs ; qu'en 1894, fut autorisée à leur profit la création de caisses de secours pour le versement de retraites et l'assurance contre la maladie ; qu'en 1910, ils obtinrent la journée de huit heures ; en 1914, l'institution d'une caisse autonome de retraite ; et qu'enfin, en 1930, ils firent reconnaître le principe de quelques jours de congés payés annuels.

- Après tout, je viens là de relater très vite quelques étapes qui ont mené au couronnement politique que fut la victoire du Front populaire qui, seul, permit de coordonner et de lier l'ensemble de ces victoires locales ou partielles dans un succès politique qui engageait la France vers un nouveau destin.
- Ainsi l'action de ces mineurs a-t-elle permis la mise en place d'un dispositif de solidarité et de justice, ou d'un minimum de justice dans des domaines essentiels pour les conditions de travail, pour la retraite, pour la protection contre la maladie. Croyez-moi, au-delà de tous les propos bénisseurs, ces combats-là restent d'actualité.
- Être fidèle à cette mémoire, après tout, c'est bien notre devoir à nous. Le souvenir de leur combat, c'est aussi le souvenir de tout ce qui fut nécessaire pour servir la dignité humaine, pour la reconnaissance des droits sociaux. Être digne de ce message, c'est placer au cœur de la réflexion et de l'action les exigences de la solidarité. C'est aussi la signification du combat pour l'emploi. Je crois que c'est par des témoignages de ce type, auxquels je suis heureux d'être associé parmi vous, que l'on répondra le mieux à ce qui a été accompli par nos anciens. Faire qu'ils n'aient pas lutté pour rien. Faire qu'ils ne soient pas morts pour rien. Ah ! S'ils pouvaient formuler un souhait, je suis convaincu qu'il serait très vite dit : que cette région vive ! Qu'elle vive en respectant les valeurs fondamentales qui inspirent cette population, que nos enfants, que leurs enfants puissent s'y épanouir.
- Voilà, je ne voulais pas vous dire autre chose maintenant. Peut-être ai-je provoqué quelques dérangements par ici ou là ? Mais, j'ai obéi à un réflexe suscité par l'invitation conjointe et amicale d'Henri Emmanuelli, de Daniel Percheron, de René Huguet, de Jean-Pierre Kucheida et de bien d'autres qui depuis déjà longtemps, cela fait des années, avaient suggéré ce rendez-vous.
Eh bien, il a eu lieu.

Mesdames,
- Messieurs,
- Chers amis,
- Ce rendez-vous a été pris, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, à la demande déjà lointaine de plusieurs de vos dirigeants de la fédération du Pas-de-Calais. Je me souviens de l'insistance répétée de Daniel Percheron, Jean-Pierre Kucheida. Que de fois en ai-je parlé à Roland Huguet et lorsque Henri Emmanuelli m'a suggéré de me joindre d'une façon ou d'une autre aux assises nationales du Parti socialiste, je lui ai répondu ce que je pouvais lui répondre, c'est-à-dire qu'il ne m'appartient pas de participer à une réunion spécifiquement politique d'un parti, mais rien ne m'interdit de lui marquer ma sympathie et mon amitié.
- D'ailleurs, il faut éviter les faux-semblants. Je vous aurais envoyé un message, je vous le dis tout simplement oralement ; cela revient à peu près au même. D'autre part la solidarité des partis conservateurs ou de ceux qui parlent en leur nom est rarement prise en défaut, même s'ils sont aujourd'hui occupés par des luttes intestines très vives, mais les choix fondamentaux sont ceux que vous savez. Moi, je n'ai rien dissimulé, on me le reproche même un peu. Cinquante ans de vie politique, c'est beaucoup. Cela représente beaucoup d'affrontements avec la réalité, la réalité rêvée et la réalité réelle. Et cependant, il faut préserver à travers tout ce temps ce que l'on estime être sa propre permanence. Ce n'est pas toujours très facile.
- Cette rencontre avec le Parti socialiste et avec mes amis socialistes a été un élément déterminant de mon existence et de mes engagements. Tout à l'heure, vous parliez d'éternité. Il ne faut pas trop s'engager, mais c'est vrai que cela me parait à peu près joué. Nous nous retrouverons désormais, comme nous l'avons fait depuis tant d'années, c'est-à-dire côte à côte pour le même combat.
- J'ai été élu comme un Président socialiste, désigné par le Parti socialiste sur le programme socialiste. Je ne m'en suis jamais repenti. Je ne dis pas que je suis prêt à recommencer, mais s'il s'agissait simplement de problèmes de fonds, certainement. S'il s'agit de problèmes de forme, malheureusement, ils viennent un peu s'en mêler et puis à chaque génération son dû. Car on ne peut pas toujours faire la même chose. Les lignes de clivage qui ont été les nôtres en 1971 et jusqu'en 1981 et les années suivantes correspondaient à une période de l'histoire. Celles d'aujourd'hui ne sont pas fondamentalement différentes, mais les formes de ce combat doivent changer. A vous d'en décider, au congrès socialiste de dire ce qu'il convient de dire. Ce n'est pas à moi de me substituer à lui, mais je comprends très bien que, si l'on dit la même chose, on ne le dise pas de la même façon, simplement que l'on ne dise pas le contraire.
- J'ai préservé ma liberté personnelle de pensée et d'action et ce n'est pas à l'heure qui sonne aujourd'hui que je vais y renoncer. Quoique l'on pense ou quoique l'on dise, il reste peu de temps et ce peu de temps, lui, doit être employé à rester fidèle à soi-même, en même temps qu'à tenter de dessiner les lignes du lendemain. Je me réjouis de vous voir rassemblés à Liévin, vous avez bien fait de choisir cette ville, ce département et cette fédération qui à travers le temps a montré qu'elle portait toujours plus haut les couleurs et l'idéal socialistes. Vous avez bien fait.

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