voyage en contrée excentrique

Ça se passe comme ça, par chez nous !

Ici, vous savez bien, on vit en terre concordataire, depuis tantôt 4 ans que je vous bassine avec cette excentricité historico-religieuse. Alors, évidemment, dès qu’un sujet comme la laïcité attaquée se pointe à notre horizon, on est deux ou trois hussards à grimper au créneau. Cette année, comme par hasard, c’est dans le débat des régionales que la chose s’est invitée. En Alsace, ils ont mis sur pied une liste tout à fait spéciale. Front de Gauche, mais sans le Parti de Gauche, avec son soutien, mais pas avec ses militants. Bon, ça les regarde. Mais là où ça devient moins drôle, vous allez voir, c’est quand la tête de liste de ce Front de Gauche se met en tête, justement de prendre parti sur la loi scolaire. Laquelle loi prévoit, vous le savez maintenant, de dispenser des cours d’enseignement religieux dans les écoles de la République (ce qui oblige, soit dit en passant, les parents laïques comme vous et moi à écrire des dispenses de religion à leurs chères têtes blondes le jour de leur arrivée au CP… trop bizarre, on vous dit.). Des cours de religion catholique, protestante, et israélite. Fermez le ban. Des esprits forts ont trouvé que ces trois-là ne suffisaient pas et que ce serait bien équitable, pas vrai, d’offrir aux familles aussi, au choix, la même chose en catégorie islam. Le tout sur deniers publics, ça va de soi. Autant vous dire tout de suite, vous qui me faites l’honneur de me lire parfois, qu’ici personne n’a rien contre les musulmans, ni contre les autres pratiquants de quelque religion qui soit. Rien du tout, mais rien pour non plus. Tant que tout ça se passe chacun dans sa chapelle, y a pas de mal, pas vrai ? Tant que, comme le disait le vieil Hugo, chacun chez soi : Dieu chez lui, et la République aussi, chez elle. Bon, voilà posées les bases de ce qui nous amène une fois encore au bord de la sainte (!!!) colère. Jean-Yves Causer, la tête de liste Front de Gauche, a pris parti ouvertement, dans la presse, pour l’élargissement du Concordat à l’islam. Sous couvert de justice nous explique-t-il. « Nos camarades musulmans n’ont pas à être marginalisés. » dit-il. Ouais… Et il en remet une louche, pour être sûr que tout le monde a bien compris : « Je suis non seulement favorable à l’introduction de cours d’islam à l’école mais aussi à la création d’une faculté d’État de religion musulmane. À Strasbourg, il y a une faculté d’État catholique, une faculté d’État protestante…. C’est absolument anormal qu’il n’y ait pas de fac d’État musulmane. » Tête de liste Front de Gauche, mais si !

 C’est là que le Parti de Gauche s’invite dans la danse. Pour rappeler qu’à nos yeux, non seulement il hors de question d’étendre cette extravagance à une religion de plus, mais bien de l’abroger purement et simplement. Tant il est vrai qu’en Alsace comme ailleurs, la laïcité est seule garante de la paix civile : « La laïcité garantit ma liberté de respecter la loi morale ou religieuse que je choisis mais m’interdit de l’imposer aux autres. Comme citoyen appelé à participer à la formation de la loi, je ne puis donc envisager le bien de tous d’après mes impératifs singuliers mais d’après la seule exigence de l’intérêt général. Celui-ci ne saurait être la conclusion d’une vérité révélée, source d’arbitraire et de violence ».

Le Parti de gauche est donc partisan de la suppression de ce particularisme mosellan et… alsacien.

 « En Alsace aussi la laïcité est un fondement de la République… La laïcité vise à garantir que l’espace public appartient bien à tous les citoyens sans exception, sans distinction d’origine ou de croyance, égaux pour faire et respecter la loi…. Il ne s’agit donc absolument pas, ni en Alsace ni ailleurs, d’élargir le Concordat ou d’ouvrir d’autres facultés de théologie, comme le dit au nom du Front de gauche et par erreur Jean-Yves Causer dans une interview, mais bien de préparer, à l’école de la République, l’exercice sans crainte des droits que la démocratie laïque reconnaît à l’Homme. L’argent des citoyens ne doit pas être utilisé pour l’enseignement des religions, quelles qu’elles soient. »

 Cette liste « Ensemble pour une Alsace à gauche, solidaire, écologique et citoyenne », on aurait peut-être dû lui ajouter un autre qualificatif, pendant qu’on y était : « Ensemble pour une Alsace à gauche, solidaire, écologique, citoyenne  … et laïque ». Ça, pour le coup, ça aurait eu de l’allure !

brigitte blang