La Frat, pour ne pas baisser les bras, jamais !
Feuilleter l’Huma Dimanche, et tomber sur un article qui parle de la Fraternelle, la Maison du Peuple de Saint-Claude. Ça m’a comme qui dirait taquiné la souvenance.
Et en effet, au printemps de 2010, juste après les régionales, entre deux coups de pinceau et de pots de colle et de tracts, et juste avant de se lancer dans la grande bagarre pour les retraites. On était partis se balader du côté du Jura avec Hélène, une née-native, et qui connait son pays comme sa poche. De vallons en forêts, de reculées en abbayes, de sources en cascades, de Courbet à Hugo, un jour nous vit à Saint-Claude. Saint-Claude, ce n’est pas que la capitale des pipiers. C’est aussi, dans une cour, un endroit tout à fait particulier. Ça s’appelle la Fraternelle. La bien nommée. Née d’une utopie, comme tous ces endroits où souffle un peu l’esprit. À la fin du 19ème ce sont les gens du Cercle ouvrier de Saint-Claude qui l’ont fondée. Ici sera mis en chantier l’idéal communiste : une épicerie coopérative, dont on rend les bénéfices aux travailleurs à travers des projets sociaux (mutuelle de secours, caisse de retraite,…). Si on vous dit que Jaurès soutient l’idée, ça ne va pas vous étonner beaucoup ! Tant il est vrai qu’il faut bâtir le socialisme de demain. Il va falloir bien du temps, et aussi de l’audace. Mais la Maison du Peuple sera inaugurée en 1910.
Riche comme son nom, elle groupe tous les commerces de nourritures des corps. Mais aussi, mais surtout, ce qui grandit l’esprit : bibliothèque, théâtre, cinéma, entente sportive, université populaire, imprimerie d’où sort la presse socialiste, mais aussi un bistrot, où on se retrouve après la journée de travail.
Jusqu’en 1940, la Fraternelle sera de toutes les grandes batailles ouvrières. Et pendant la guerre, elle ravitaille les maquis. Alors vont suivre les représailles : pillages, déportations, incendies des bâtiments. La Frat’ décline. Et va renaitre en 84.
Entrez dans cette cour, vous serez saisis de l’esprit qui souffle. Un buste de Jaurès, des affiches de 68, des allégories militantes, un café-concert, un cinéma. Pas de doute, on est en plein idéal fouriériste. Les balcons de fer forgé portent des partitions. Le Temps des Cerises, et l’Internationale, mais aussi l’Arlésienne. Vous ressortez requinqué, prêt à de nouvelles batailles, prêt à tenter l’aventure d’un socialisme qui mériterait son nom, au-delà des utopies et des barrages.
Et comme dans l’Huma, on nous raconte qu’ils sont en difficulté, et qu’il faut les aider, on se dit qu’on va s’y mettre ? Oui ?
Ils l’ont fait en 1910. Alors, on y va ? Et pourquoi pas ?
brigitte blang