Ça ne vous aura pas échappé, un musée s’est ouvert cette semaine à Metz. Petit frère de Beaubourg, orgueil d’une région oubliée et de la municipalité, fierté de tous ceux qui étaient aux manettes quand la chose fut décidée (Aillagon et Rausch, droite bon teint). On ne va pas pleurer la bouche pleine non plus. C’est un beau bâtiment, on pourra y voir Picasso, Matisse, et même Soulages. Sans toutefois oublier de s’interroger sur la dimension commerciale de tout ça, et qui sait, à terme, la privatisation rampante mais bien réelle de la mission d’éducation populaire inhérente à tout projet culturel… Toutes ces questions ont été débattues la semaine dernière au cours d’une table ronde initiée par les élus communistes de la ville de Metz au premier rang desquels notre camarade Jacques Maréchal. Un moment d’échanges indispensable pour recadrer les objectifs de l’entreprise.
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( Ci-dessous, l’article de Marie-José Sirach, de l’Humanité.)
La face éclairée, c’est ce bâtiment dont on aperçoit la belle toiture ondulée et dont on se dit qu’il va accueillir des œuvres magistrales, remarquables des plus grands artistes contemporains.
La face éclairée, c’est penser que cet édifice sera accessible au tout-venant, aux habitants d’ici et d’ailleurs, qu’il s’inscrit dans la volonté de rapprocher les hommes et les femmes des œuvres d’art. La face éclairée, c’est une dynamique nouvelle provoquée par la naissance du Centre, cette antenne décentralisée de Pompidou, une première dans l’histoire de notre pays.
L’ouverture d’un musée est une fête. Un événement qu’il ne faut en rien minimiser. Hier, ce fut l’inauguration des officiels. Aujourd’hui, c’est l’inauguration officielle avec l’ouverture au public.
Il convient toutefois d’aller au-delà de l’apparence des choses ; de s’interroger. Sur la face cachée. Se demander : de quelle armada ce paquebot Centre Pompidou- Metz est-il le vaisseau amiral ? Dans une région qui fut, avant d’être massacrée, le fer de lance de la sidérurgie, pense-t-on qu’un musée pourrait sauver la Lorraine de la crise ? Comme si la culture n’existait que sur les ruines économiques… La culture est-elle « la solution aux difficultés et aux crises pour construire non pas le meilleur des mondes mais un monde meilleur », comme l’écrivait dernièrement le sénateur communiste Ivan Renar ? Car la question du budget de fonctionnement du CPM reste entière, au vu de la répartition de son assiette entre les collectivités territoriales d’une part (4 millions d’euros pour la région, 4,6 millions d’euros pour Metz Métropole, 400 000 euros pour la ville de Metz) et l’État d’autre part (1 million d’euros), dont le moins qu’on puisse dire est qu’il est désengagé et très dégagé de ses obligations financières. Alors surgit un mécène, pas n’importe lequel, puisque c’est la famille Wendel qui, conformément aux choix politiques, économiques et idéologiques du gouvernement, va pallier les carences de celui-ci à hauteur de 1,5 million d’euros. Il suffit de lire les intentions du groupe Wendel par l’entremise de Frédéric Lemoine, président du comité directeur de Wendel, pour se faire une idée de sa conception du mécénat : « Wendel est fier de cet accord qui lui permet de soutenir un projet phare pour la Lorraine, berceau du groupe et de ses familles fondatrices. (…) Nous ne sommes pas des experts du domaine culturel. Nous pouvons par contre participer au rayonnement du centre en lui permettant de toucher le monde économique que nous connaissons bien. » Ou la philanthropie à l’heure des nouveaux dogmes du libéralisme… Toujours est-il que grâce à la loi du 1er août 2003, 60 % du montant du don sera défalqué des impôts sur société. Toujours est-il que le baron Ernest-Antoine Seillières, président du groupe Wendel, est candidat, aux côtés de Jean-Jacques Aillagon, à la présidence de l’Association des amis du Centre Pompidou-Metz.
C’est de tout cela qu’il fut question la semaine dernière, à Metz, à l’occasion d’un débat public organisé à l’initiative des communistes et des élus communistes messins. Le seul débat du genre, public, démocratique, critique et enthousiaste, autour d’Alain Hayot (délégué national à la culture du PCF), Nicolas Moncquaut (CGT culture), Roger Tirlicien (conseiller régional PCF) et William Schuman (sociologue, membre du CA de Pompidou Metz). Car le processus de rigueur budgétaire est en marche ce qui, outre la suppression de la taxe professionnelle, accentue le désengagement de l’État au détriment des collectivités locales. Externalisations à tout-va, mutualisations, rationalisations, réduction des postes budgétaires, réduction des personnels par tous les moyens… Pour l’heure, les collectivités territoriales pallient les carences de l’État. Jusqu’à quand ? Cela a fait l’objet d’un échange entre les débatteurs, vif et passionnant. Jacques Maréchal, responsable communiste de Metz, a d’ailleurs annoncé la mise en circulation d’une carte-pétition pour exiger de l’État un « financement conséquent et pérenne » du CPM. « Le Centre se doit de réussir, a dit William Schuman. En cela l’appropriation du lieu par les citoyens est vitale pour son devenir. » Maintenir à flot un tel vaisseau n’est pas une sinécure. Et la crainte de privatiser par petits bouts un tel bâtiment n’est pas à exclure, comme le soulignait Nicolas Moncquaut. Affaire à suivre, donc.
Marie-José Sirach