Samedi, j’allais et je venais dans Paris sur des chemins de crêtes. D’abord place de la République au départ de la manifestation du « no Sarkozy Day ». Je déteste ce titre en anglais, ridicule concession au style soi-disant moderne des marchands de hamburger. Grrr !! Un manque total d’imagination de la part des organisateurs qui pourtant n’en manquent pas. Car j’en connais quelques-uns. Ils m’avaient demandé de passer. Je suppose qu’ils l’ont fait auprès de tous les autres responsables de parti. Je n’en ai pas vu d’autres que moi et ceux du Parti de Gauche parisien qui m’accompagnaient, d’aucuns étrennant fièrement leur écharpe tricolore de conseillers régionaux, toutes neuves. C’est bien. Il faut tremper l’écharpe dans la lutte. Je ne me moque pas. J’ai moi-même une écharpe que je conserve depuis bien longtemps et qui sort pour les super mobilisations historiques (Carpentras, loi Falloux, etc.…). Elle a les glands d’or, attributs des maires et des parlementaires dans le protocole républicain. L’or est terni par l’usage militant. Je la baise comme une étole de curé quand je la mets. Chacun ses rites !
Je suis allé voir, donc, puisqu’il était question d’une manifestation d’opposition et qu’elle avait été convoquée par l’intermédiaire du réseau social Face Book. Je papillonne de loin en loin sur ce réseau et je sais donc à peu près de quoi il retourne au contraire de twitter dont je ne sais rien mais qui m’a l’air assez chronophage et espionnant. Ce modèle de mobilisation est une première, je crois, dans notre pays. Il me semble que le fait doit être noté. J’avais envie de savoir qui venait, quelle sorte de personnes. En fait toutes sortes de gens, et des plus variés, se trouvaient là à l’heure à laquelle je m’y suis trouvé.
Mais c’était en début de manifestation. Il m’a d’abord semblé qu’on voyait beaucoup de drapeaux noirs et la mouvance libertaire m’a paru très engagée dans cette mobilisation. Tout était bon enfant. Pas mal de gens m’ont accosté pour faire des photos avec moi. C’est un exercice nouveau pour moi. Mais je ne peux trouver cela ridicule compte tenu de la passion que j’ai moi aussi pour la photo en général et pour le clin d’œil kitch en particulier. J’ai repéré plusieurs militants du Parti de Gauche ici où là. Certains avaient même amené leur drapeau. Le parti est comme ça. Il repose sur la mobilisation spontanée et personnelle de ses membres. Celle –ci donne son sens réel à toute sa structure d’action collective. C’est ce qui me convient. Faites ! Mieux vaut avoir à corriger les erreurs de l’action que celles de l’inaction. N’empêche : j’ai lu que la mobilisation était un échec. Ce n’est pas mon avis. Les quelques milliers de personnes qui sont venues là ont ouvert une nouvelle page de l’histoire des manifestations d’opinion. Je les en félicite.
L’engagement peut prendre toutes sortes de formes. Celle-là en est une. Ceux qui ont pensé utiliser le réseau Face Book de cette façon ont fait davantage que les innombrables « appel » et « initiatives » que l’on rencontre sur ce média. Là il fallait passer de l’adhésion virtuelle à l’acte réel. Les autres « initiatives », en effet, ne demandent pas plus qu’un clic comme forme d’action. Ce ne sont donc pas des actions mais juste des ostentations. Il est frappant de voir comment l’ostentation est devenue une valeur en soi. Par exemple les « jour de la fierté » sont devenus très nombreux. Souvent intitulé en anglais. Par exemple « gay pride ». Ceux là sont très militants en général. Le principe en est reproduit, invariant d’échelle, en toutes circonstances. Sorti du contexte de lutte, c’est souvent grotesque. Combien de fois faut-il s’entendre dire qu’il faut « assumer » telle ou telle de nos manières d’être, quand bien même ne s’agit-il souvent que de manies ? C’est du Freud de comptoir. Nous sommes supposés être malades de refoulement permanent et universel. Nous nous en libérerions en « assumant », si possible avec « fierté ». La vie publique serait donc un divan où les particularités fièrement portées seraient toutes convoquées pour s’afficher. Dans ces conditions l’espace public est alors radicalement privatisé. Il n’est plus l’agora où se met en mots par le collectif le bien commun mais la foire où se juxtaposent les vitrines de soi. La ruse de l’ennemi est de faire croire à chacun que l’autre n’est pas son semblable, et que ce serait tant mieux.
Jean-Luc Mélenchon sur son blog
Là au dessus, pour faire écho au propos de Jean-Luc, la photo prise à Strasbourg samedi au cours de la manif en question. Le Parti de Gauche était ici aussi bien représenté, dans ses composantes bas-rhinoise et mosellane. Et c’est très bien ainsi. Parce que, par les temps qui courent, il est devenu urgent de dire à tout le monde que oui, décidément, la gauche, ça existe en Alsace…