L’école, une entreprise comme les autres ?
Le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux dans la fonction publique se poursuit à l’école publique dans le cadre de la Révision générale des Politiques Publiques (RGPP). Nous en connaissons le dessein : l’école coûte trop cher et contribue au déficit public, il faut respecter le « pacte de stabilité » de l’UE, et procéder à des coupes. De toute façon à terme ce n’est pas grave si le budget est réduit à un minimum puisque il y aura enfin la place pour ce vaste nouveau « marché de l’Éducation nationale » prôné par l’OCDE.
L’école est donc en voie de « modernisation et de restructuration » au même titre que les autres services publics. Régime sec pour tout le monde. À la rentrée prochaine ce sont encore 16000 postes qui seront supprimés dans l’Éducation nationale. Une série de réformes est donc mise en place pour y parvenir : « Réforme des Lycées », qui réduit le nombre des enseignements et supprime au passage quelques milliers de postes, au collège on baisse les DGH pour que des « postes sautent », ou alors, on l’augmente de manière dérisoire (par exemple +2h pour l’accueil de 30 élèves supplémentaires).
Quant aux enseignants tout est fait pour les dévier de leur fonction première qui est celle d’enseigner, c’est-à-dire en tout premier lieu de dispenser des savoirs. On dénature les missions de l’enseignant en les multipliant : « vie scolaire », « orientation » ; et on veille à son obéissance servile : notation directe par le chef d’établissement qu’elle soit administrative ou pédagogique, mise en compétition locale des personnels, en particulier par leur notation et le projet de généralisation de l’entretien professionnel. Ces méthodes ont fait leur preuve à France Télécom devenue Orange, EDF, GDF et la Poste. Si la vague passe, l’enseignant verra sa charge de travail multipliée par des tâches sans rapport avec sa mission originelle (il faut bien malgré les suppressions de postes que la machine tourne) et on l’aura mis au pas en le soumettant au bon vouloir de son chef d’ « entreprise ». L’Autonomie, du primaire à l’Université étant destinée à donner toujours plus de place à la gestion locale pour faciliter l’application de cette mise en œuvre.
Aux élèves, on garantit le minimum de savoir par le « Socle commun de connaissances et de compétences » bien suffisant pour accomplir leur future mission de petites mains dociles du capitalisme. Là se trouve la véritable portée idéologique des réformes: il s’agit pour ceux qui resteront à l’école publique d’être préparés au monde du travail. On comprend l’instauration du « Livret Personnel de Compétences » au collège, du « Passeport orientation formation » sorte de « super CV » au lycée et du Portfolio ou « portefeuille » à l’Université. Ces projets s’inscrivent dans le cadre plus large du « Passeport orientation formation tout au long de la vie » destiné à remplacer la formation initiale ainsi sacrifiée.
L’école se donnant désormais comme unique but inavouable d’adapter les élèves au monde du travail, enseignants et élèves sont logés à la même enseigne.
Il faudra donc replacer l’école publique véritablement au cœur des missions de la République pour conduire les futures politiques publiques en matière d’éducation.
Juliette ESTIVILL (commission éducation du Parti de Gauche)
20 avril 2011