Le voilà, le courrier dont on a si peu parlé ces jours-ci. Et pourtant… Cette prime au mérite, dont on nous fait grande publicité, et qui serait attribuée selon des critères bien flous, cette fameuse prime, apparemment toute neuve, elle rejoint ni plus ni moins ses sœurs ainées : la tirelire offerte dans un lycée aux classes assidues, et surtout, la si fameuse suppression des allocations familiales aux parents d’enfants trop souvent absents. C’est la même tambouille. On mélange tout, et l’école n’en sort ni grandie, ni gagnante, à coup sûr. Parce que là, bizarrement, de l’argent, il y en aura, et assez. Alors, pourquoi ces budgets en peau de chagrin depuis toutes ces années ? Pourquoi ces suppressions à répétition ? Pourquoi ces effectifs en surpoids ? C’était ma maison, jusqu’à il y a peu. Et je me sens blessée par ces projets marchands. Qu’est-ce qu’il croit, Chatel ? Qu’on a attendu son pognon pour réfléchir sur notre belle institution, sur la notion de service public (oui, service, c’est comme ça qu’on dit… peut-être plus pour bien longtemps), sur les moyens et les méthodes, et même, tiens, sur des innovations qu’on testait tout seul dans son coin, pour que ça ne coûte rien, justement. À force de mettre du fric partout, et surtout là où il n’a rien à faire, vous verrez qu’un beau jour, les gamins viendront seulement si on les paie… et demanderont un pourboire à chaque note au-dessus de la moyenne !
Devant tant de bassesse, Michel Ascher l’a fait. Et tous ceux qui accordent un peu de noblesse à cette famille-là auraient dû l’imiter. Peut-être que vous pouvez, vous ? Moi pas. Quand ça a été mon tour, je l’ai refusée leur fichue breloque.
brigitte blang
Michel ASCHER
Proviseur honoraire
5 rue Louis Delos
59000 LILLE
06 43 72 38 80
Monsieur le Ministre,
Le 25 juillet 1996, M. François Bayrou, ministre de l'Education Nationale de l'époque, a signé mon diplôme d'accès au grade de Chevalier dans l'ordre des Palmes Académiques. Le 1er octobre 2004, M. François Fillon, ministre de l'Éducation Nationale de l'époque, a signé mon diplôme d'élévation au grade d'officier dans l'ordre des Palmes Académiques.
Je reçus cette distinction comme un honneur et comme la reconnaissance d'un travail accompli dans des secteurs géographiques variés, souvent défavorisés (Roubaix, Louvroil, Tourcoing, Seclin).
Dans ces différents postes, d'abord comme principal, puis comme proviseur je me suis toujours attaché à tout mettre en œuvre pour offrir aux élèves accueillis la meilleure formation possible.
Pour ce faire, j'ai travaillé en lien étroit avec les différentes équipes pédagogiques pour que la prise en compte des élèves en difficulté soit une réalité et que des conditions décentes d'encadrement soient respectées.
Aujourd'hui quand je découvre que les Recteurs des Académies se verront attribuer une prime allant de 15000 à 22000€ par an s'ils parviennent à supprimer le plus de postes possible ou, mieux encore, s'ils osent fermer purement et simplement une dizaine d'établissements par Académie je ne peux rester sans réaction devant un tel cynisme.
C'est pourquoi, mon indignation étant à son comble, je ne souhaite plus que mon nom reste lié plus longtemps à cette distinction dans l'ordre des Palmes Académiques.
Tout au long de ma carrière passée à l'Education Nationale il m'est arrivé de ne pas être en accord avec telle ou telle orientation générale de l'institution, mais le débat existait encore et des solutions pouvaient parfois être trouvées. Aujourd'hui, seule la logique comptable a droit de cité et le passage en force est la règle de conduite qui, seule, semble pouvoir être retenue.
Nos concitoyens, à qui de plus en plus d'efforts sont demandés, ne pourront que se sentir une fois de plus humiliés par ce geste scandaleux et hautement symbolique d'un pouvoir qui met l'argent au dessus de tout. Rétribuer un représentant de l'Etat sur sa capacité à détruire encore plus le service public d'Education est un acte qui vous déshonore totalement. Voilà pourquoi j'ai décidé de vous renvoyer mes diplômes de Chevalier et d'Officier des Palmes Académiques.
Par votre mépris et votre cynisme vous humiliez tous les personnels de l'Education Nationale qui n'en peuvent plus de devoir accomplir leur mission dans des conditions que votre politique à très court terme rend de plus en plus déplorables.
Je ne peux, Monsieur le Ministre, que vous transmettre l'expression de ma très profonde tristesse.
Lille, le 22 décembre 2010