Le 6 février 1921 parait un monument du cinéma mondial. Un chef d’œuvre, signé Charles Chaplin. Une histoire simple de souffrance et d’humanité. Simple comme l’amour des pères et des fils et peut-être même des mères. Un hymne aux miséreux qui savent partager le peu de biens qu’ils ont, eux.
Après des péripéties alambiquées, un pauvre type hérite d’un nourrisson abandonné par sa mère. On est au début des années 20, aux USA et la vie n’est pas bien facile pour les miséreux.
Il faut alors devenir un génie d’ingéniosité pour élever le marmot, lui donner un peu d’éducation, de savoir-vivre. Ce n’est pas parce qu’on est pauvre qu’on est indigne, n’est-ce pas ? Le temps passe. Le gamin grandit. On invente des stratagèmes pour être un peu moins démuni. On fait au mieux. On vit, comme on peut. On travaille ici ou là. On escroque. Un peu. Pas trop, juste de quoi survivre. On se bagarre ici et là avec le voisinage. Et déjà, dans les asiles de nuit, le marchand de sommeil est une crapule. Et déjà, il y a tout l’amour du monde dans le regard de ce papa d’occasion.
Un jour, le petit tombe malade. L’assistance publique, une sorte de DDASS de ce temps-là, s’en mêle. On vient reprendre le gamin, l’arracher à cette infinie tendresse. Le cri de détresse du gosse est réellement le plus beau dialogue de cinéma qui soit. Peut-être parce que ce film est muet. Ici déjà, l’administration semble créée uniquement pour empêcher les gens d’être heureux, de s’aimer.
Tout finit par s’arranger. Le poulbot retrouve sa maman et son papa d’adoption aussi. La morale est sauve. Les gentils gagnent à la fin. Comme toujours chez Chaplin, les méchants ne sont pas punis, seulement très ridicules. Les lois et les policiers ne sont pas très sympathiques, que voulez-vous, c’est ainsi que Charlot les voyait.
Bien avant Ken Loach, Chaplin était le cinéaste des pauvres, des oubliés, des malheureux, des opprimés. La souffrance décuple l’humanité. Elle ne détruit pas ceux qu’elle touche. Elle les grandit, les magnifie. Ce qui fait avancer l’être humain, c’est d’abord la recherche du bonheur, de l’amour. Car la fortune, ça sert à quoi pour aimer un tout petit gamin de rien du tout ? Pour aimer ce Kid-là, et tous les autres…
brigitte blang