Les trente-cinq heures vues côté cour (de récré, bien sûr!).
Depuis vendredi, la question me taraude: d'accord ou pas avec les 35 heures proposées par notre copine Ségolène? Sur le coup, j'avoue, ça me plaisait plutôt pas mal ton truc des 35 heures. Ben oui, j'avais fait le compte. En dehors de mes 18 heures hebdomadaires (18, Ségo! 18, pas 17!!!), si je rajoute les "trous" de mon emploi du temps, ça doit faire pas loin de 28, déjà. A ça, tu rajoutes les corrections, les prép, les soirées passées à régler le magnétoscope pour enregistrer l'émission unique sur l'éruption du Krakatoa, sur la désertification en Afrique sub-saharienne, ou encore sur les avancées de la recherche en génétique, et puis, aussi, fatalement, les rendez-vous avec les parents, les heures de "conversation" avec Claude, l'assistante sociale de la boutique, ou Jean-Pierre le conseiller d'orientation. Non non, on ne discute pas de nos vacances, ou de la première dent de nos petits-enfants respectifs, ou même du dernier film à voir absolument, non non, on parle de "nos" petits. On cherche, quelquefois même on trouve, des trucs pour Olivier, Patrick, Manon et les autres. Alors, oui, je me disais que finalement, 35 heures, c'était quand même tout bénéf, non? A une condition, pourtant: qu'on me certifie que dans ce cas-là, je pourrai laisser mon cartable à l'école, que je pourrai peut-être aussi y laisser le regard de Shkipe qui ne me comprend pas lorsque je lui parle, et tous les ennuis du jour et du lendemain, et les programmes qui n'avancent pas, et les classes de 30 qu'on ne peut pas récupérer, et le matos à préparer pour lesmanips parce que chez nous y a pas d'aide de labo, ben non!... et si tout ça reste à l'école, alors oui, je suis cliente de tes 35 heures, Ségolène. Mais ça, tu ne l'as pas dit. Tu t'es contentée, une fois encore, une fois de plus (une fois de trop???), de mettre le doigt sur ce que tu crois être un dysfonctionnement de l'école, sur la gabegie dans le système, sur des soi-disants privilégiés (2 mois de vacances, tu parles!) qui en plus n'en foutent pas bien lourd. Voilà ce que tu as dit, Ségolène. A aucun moment nous ne t'avons entendu dire que oui, il ne faut plus, plus jamais donner de devoirs à la maison à des enfants qui se tartinent déjà des journées de 7 ou 8 heures, des journées de folie, aucun travailleur n'accepterait ça, et que ces devoirs-là creusent chaque jour un peu plus le fossé entre ceux qui sont aidés et tous les autres, pas plus que nous ne t'avons entendu dire qu'il FAUT revoir les méthodes de travail des enseignants, que de véritables équipes s'imposent, que les études accompagnées sont indispensables, si on veut que notre école redevienne le creuset de la République, que l'égalité est un leurre dans nos collèges, que les schémas se reproduisent à l'infini, les profs sont d'anciens bons élèves et fabriquent à leur tour de futurs profs etc. etc., que des enfants perdus quittent chaque année nos écoles en se demandant encore ce qu'ils ont fait là pendant tant de trimestres. Tu as dit tout ça, Ségo? Non hein? Alors, si tu le crois, pourquoi tu ne le dis pas? Parce que là, on en a un peu marre de tes sorties intempestives, façon Sarko modifié Villepin, et puis le lendemain, devant le tollé, on recule, on se renie, on se dédit, on n'ose pas assumer. Assume, Ségolène, assume, même si tu perds les quelques voix de profs qui te restaient acquises. Et puis, c'est quoi, ce mauvais procès, de dire "C'est pas du jeu, ils n'auraient pas dû la sortir cette vidéo." Ben là aussi, faut assumer, assumer ses actes en même temps que ses propos. Ou alors, éviter de se poser en justicière. Parce que, si jamais on tire au sort des jurys populaires, et que par hasard, il se trouve quelques profs dans le lot gagnent, mazette, tu es mal partie... Alors, Ségolène, tes 35 heures, je leur dis "Chiche! Banco! Vendu!" Mais avec garanties tout de même, faut pas rêver non plus...
Tu semblais plus pâle à la télé ce soir, plus tendue, moins sereine, acérée, aux abois presque. Ils t'ont un peu poussée à bout, les méchants journalistes. Pour un peu, je t'aurais plainte. Et puis non, finalement, c'est trop facile. Alors, devant tes hésitations, tes confusions, tes phrases vagues et vides, une évidence m'est apparue. Il existe à Macao, au sommet d'une esplanade, en haut, tout en haut d'un grand escalier, une église, immense, Sao Paulo, elle s'appelle. Tu montes, tu montes. Elle est là, cette cathédrale, imposante, magnifique de toutes ses sculptures, de tous ses symboles. Et puis tu arrives sur le parvis, et là, soufflé, tu restes: ce n'est qu'une façade, dis donc, tu vois, genre maison de western, juste un mur avec RIEN derrière. Ca saute aux yeux: Ségolène, c'est un peu Sao Paulo. De loin, elle fait illusion. Et puis, plus tu t'approches, plus tu te rends compte que c'est du décor, tout ça, comme au ciné. Tout ce qu'il faut espérer, c'est que nos camarades, ils contournent le décor avant jeudi soir, parce que sinon, les électeurs, eux, l'année prochaine, le doute ne va pas les tenir bien longtemps. bb pour prs 57
A lire aussi, sur le même sujet, plein d'articles de Jean-Luc Mélenchon, sur son blog, voir à côté, sur les liens.