Et la Toussaint fut rouge...
Tout commence le 8 mai 1945, ou plutôt non, ça commence en 1830, quand la France prend pied sur le sol d’Algérie, et que débute une colonisation qui va durer… on ne sait toujours pas combien de temps, ni même si elle s’est jamais terminée… Mais le 8 mai 45, pendant que les flonflons éclatent en métropole, on entend d’autres détonations au-delà de la Méditerranée. Les droits civiques bafoués vont se payer cher, très cher. Face à la répression qui s’abat, le calme revient. Mais a-t-on jamais étouffé d’un couvercle d’oppression l’esprit de liberté ?
Le colon croit qu’il est là pour des siècles. Mauvais calcul. Aveuglé par l’habitude, il oublie les injustices, les scandales, les humiliations, les inégalités criantes et le droit d’un peuple à vivre indépendant sur son sol ancestral. L’Indochine a ouvert la voie. Alors, quand c’est trop, le couvercle saute et la Toussaint est rouge, en 1954.
Un peu partout sur le territoire, qui est encore pour un temps l’Algérie française, vont exploser des bombes, siffler des balles, sauter des ponts, des transformateurs, tomber des soldats, et aussi des civils. Un petit instituteur, quelques notables musulmans, deux sentinelles ici, un sous-officier là-bas… La métropole aura vite fait de ranger ces événements à la case terrorisme. L’excuse pour réprimer durement. Et pour finir, 8 années sanglantes, des déchirements, du malheur, des regrets, la guerre. La sale guerre d’Algérie, qui a produit, qui produit encore tant de rancœur, et tant de rancunes aussi.
De tentatives de coups d’état en putsch, de fusillades en massacres, tout le catalogue des horreurs sera décliné pendant ces huit années. Combien de temps a-t-il fallu pour qu’on prononce seulement le mot guerre ? Pourquoi ces hontes mal assumées, ces ressentiments exacerbés ? Pourquoi n’avoir pas vu s’installer cette aspiration à l’indépendance, si légitime pour les esprits éclairés de l’époque ? Et pourquoi donc, aujourd’hui encore, ne se passe-t-il guère de mois sans que n’arrivent au jour les responsabilités des uns ou des autres ? 8 ans de sale guerre sans merci (et Clavel en parlait si bien : y a-t-il donc des guerres propres ?) qui n’ont toujours pas fini de creuser leurs sillons, semant leurs poisons et continuant à pourrir l’atmosphère de ce côté-ci et de ce côté-là. 8 ans qui coûteront des milliers de vie, qui alimenteront les souvenirs amers des générations perdues. 8 ans qui serviront de socle au rejet de l’autre, au différent, au « pas moi ».
Quel terrible gâchis, sur cette terre de merveilles ! L’Afrique était devenue libre. L’Algérie attendra 2 ans encore.
L'Algérie où tout commença par une Toussaint rouge…
brigitte blang