Sur la Place de la Bastille, la Colonne de Juillet rend hommage aux martyrs des révolutions de 1830 et 1848. C’est la colonne du Peuple.
Ce n’est pas le cas de la colonne Vendôme. Loin s’en faut.
La Place Vendôme, symbole du luxe au cœur de Paris, a vécu des aventures renversantes tout au long de son histoire. On la voit aujourd’hui, décorée en son centre d’une fière colonne gravée, surmontée d’une statue en majesté. Qui l’a voulue ainsi ? Qui fut assez peu modeste pour s’ériger en demi-dieu au sommet d’un si imposant monument ? L’Histoire ne manque ni de rois, ni d’empereurs à haute opinion d’eux-mêmes.
Au début, des financiers bâtirent ici des immeubles prestigieux. Louis XIV sur son cheval ajoutant encore à la magnificence générale. Mais 1792 passe par là aussi. Et comme toutes les autres statues de souverains, celle-ci va terminer sa vie fondue.
Un jeune général, autoproclamé empereur, voit dans cet espace vide un endroit idéal pour célébrer sa propre gloire. Napoléon 1er, on l’a reconnu !, va y installer en 1810 une colonne de 43 mètres, recouvertes de plaques de bronze provenant des canons confisqués aux ennemis vaincus à Austerlitz. Son fut raconte en spirale les batailles de la Grande Armée. Tout en haut, drapé dans une toge romaine ou presque, Napoléon. Si cela rappelle quoi que ce soit d’antique, ce n’est pas fortuit. La colonne Trajane, à Rome, a servi de modèle. En toute modestie !
Mais il en va des hommes comme des vanités. Un jour l’étoile pâlit. Et les statues tombent. Ce qui arriva à celle-ci lorsque l’empereur chuta lui-même. Seule subsista la colonne. Jusqu’à ce que Louis-Philippe décide de remettre en place le général Bonaparte représenté en chapeau et manteau, comme au champ de bataille. Mais la volonté de son neveu Napoléon III fit qu’on retrouva l’oncle en empereur romain.
L’Histoire, dit-on, bégaie. Le 12 avril 1871, suivant la proposition du peintre Gustave Courbet, la Commune de Paris vote la destruction de ce « monument de barbarie, attentat perpétuel à la fraternité, l’un des trois principes de la République. ». Ce sera chose faite le 16 mai, dans la liesse populaire. Enfin, le culte napoléonien prenait fin ! Et pourtant, c’est bien la République qui, deux ans plus tard, fait reconstruire la colonne, aux frais de ses destructeurs. Courbet devra payer. Même si, pour échapper à l’amende, il s’exile en Suisse, où il mourra.
La colonne, elle, est toujours debout. Attendant, peut-être, une autre révolution…
Des aventures renversantes, en effet !
Brigitte Blang