11 décembre 1848 : Raspail candidat à la présidentielle
L’année 1848 si riche en bouleversements sociaux, en révolutions, va se conclure le 11 décembre par l’élection présidentielle. Celle qui va mener Louis-Napoléon Bonaparte, soutenu (ça ne s’invente pas !) par le Parti de l’Ordre, à la magistrature suprême. Le suffrage, pompeusement nommé universel, n’est en réalité que masculin. Les femmes devront encore patienter un siècle ou presque pour avoir le droit de s’exprimer.
La Révolution a renversé la monarchie constitutionnelle en février et mis en place la République, qui se fixe aussitôt pour mission de donner au pays une nouvelle Constitution. Les Journées de juin, mettant fin à « l’illusion lyrique » du printemps, se transforment vite en insurrection populaire. Déjà, la peur du communisme a réussi à venir à bout des espoirs progressistes et de l’union des partis de la gauche politique. Chacun veut alors avancer son champion. Et c’est ainsi que François-Vincent Raspail, le médecin des pauvres, le rescapé des Trois Glorieuses, devient candidat.
Un seul objectif l’anime : défendre, envers et contre tout, les intérêts du peuple. Ce qui en fait immédiatement un dangereux révolutionnaire, voire un conspirateur. Il est vrai que d’avoir repris le titre l’Ami du Peuple pour son nouveau journal n’incite guère la classe possédante à l’empathie pour cet humaniste anticlérical.
Son journal devient très vite une caisse de résonnance pour les idées novatrices, héritées de 93, comme l’instruction publique, obligatoire et gratuite, les droits sociaux, ou la progressivité de l’impôt. Ce socialisme annonce Marx. Pour son implication dans l’insurrection de mai, il est emprisonné à Vincennes. Et assistera de loin à son élection en tant que député. Il accepte, depuis sa geôle, d’être le candidat socialiste à l’élection du 10 décembre. Il est pourtant opposé à toute forme de monarchie présidentielle, pensant que la force du président affaiblit obligatoirement le République.
Les résultats sont loin d’être à la mesure des espérances semées. Les 36920 voix qui se portent sur son nom ne représentent que 0,5% et Louis-Napoléon Bonaparte est élu avec 74% dès le premier tour.
Pourtant, il n’abandonne pas la lutte au service des plus faibles. Élu député de Marseille en 1876, il préside la séance d’inauguration de la nouvelle Assemblée. Pour une fois, les soldats qui l’entourent ne le mènent pas en prison ! Il s’en amuse.
Il meurt en 1878, célébré par le peuple auquel il avait voué sa vie.
Raspail, un boulevard, une station de métro ? Bien plus que cela, en vérité. Un démocrate exemplaire, un citoyen de l’humanité, ainsi que sa devise le proclame : « N’embrasser jamais la cause d’un homme, mais toujours celle de l’humanité. »
Brigitte Blang