23 juin 1848
Pour la République sociale
Les journées de février 1848, avaient amené la création des Ateliers nationaux, offrant aux chômeurs un travail et un revenu. Même modeste, un salaire est bienvenu dans un pays où la révolution n’a pas encore aboli la misère.
Mais en avril de la même année, étrangement, les élections législatives (les premières tenues au suffrage universel encore qu’exclusivement masculin !), ouvrent sur une Assemblée à forte majorité conservatrice.
La Constituante tarde à être installée. Et le gouvernement provisoire va faire place à une Commission exécutive, émanant directement des rangs de l’Assemblée. Pour être de vertueux républicains, ses cinq membres (Arago, chef d'État virtuel, Garnier-Pagès, Lamartine, Ledru-Rollin et Marie) n’en sont pas moins inefficaces.
Marie va administrer les Ateliers nationaux. En fait, il va surtout œuvrer à les disqualifier, ne leur confiant aucune tâche d’envergure, qui pourrait concurrencer les entreprises équivalentes du privé. Les employés passent des jours entiers à dépaver, puis à repaver les artères parisiennes. Comme si, quelque part dans les couloirs du pouvoir, on cherchait à démontrer l’insignifiance de ce service public avant l’heure. Une pratique qui a encore cours dans notre société du XXIème siècle !
Ce que l’administration n’a pas évalué, c’est que les travailleurs employés à des gagne-pain fictifs discutent. Et de la discussion jaillissent des contestations, et aussi des idées socialistes.
Le 21 juin, la République trahit le peuple en laissant l’Assemblée dissoudre les Ateliers, images emblématiques nées des journées de février, espérant ainsi bâillonner l’agitation populaire.
Le 23, ce peuple bafoué se réveille insurgé. Les ouvriers descendent dans la rue. Des barricades s’élèvent. Nommé par le ministre de la Guerre (c’est donc bien une guerre que le pouvoir livre aux citoyens !), le général Cavaignac réprime férocement l’émeute. Terrible répression qui lui vaudra le nom de « boucher de juin ». Aussi terrible que la panique qui a saisi le pouvoir bourgeois.
Le 25, les barricades résistent encore entre Bastille et Nation. La presse aux ordres prend fait et cause pour les autorités, et s’acharne contre ceux qu’elle nomme anarchistes.
Ces 4 jours de combats font 4000 victimes parmi les révoltés. Et 1500 dans les rangs de la troupe. Chiffres auxquels on ajoutera l’archevêque de Paris, qui depuis le sommet d’une barricade, avait tenté une réconciliation…
La généreuse République sociale a vécu. La rupture entre la classe ouvrière et le régime est consommée.
Brigitte Blang