22 février 1944 : arrestation de Robert Desnos
C’était un temps déraisonnable, où il convenait d’arrêter au petit matin et d’envoyer à la mort tous ceux qui ne pensaient pas droit. Et écrivaient de même.
Robert Desnos était de ceux-là.
Né à l’aube du siècle dans un Paris encore populaire, il ne fréquente guère que l’école de la rue. Très jeune, il décide de dédier sa vie à la poésie. Il n’a pas tout à fait 17 ans que déjà, ses vers paraissent. Benjamin Péret l’introduit auprès des surréalistes, qui l’accueillent avec l’enthousiasme qu’on devine. L’écriture sous hypnose des uns croisant avec bonheur la transcription des rêves de l’autre.
Aujourd’hui, et un peu facilement, on le décrirait comme un touche-à-tout. Et on ajouterait « de génie » pour ne pas manquer à la déférence. Mais en ce temps-là, Desnos l’était vraiment. Touche-à-tout, et génial. Il s’essaie à la chanson, au jazz, écrit des vers libres, mais aussi des quatrains, et une drôle de prose qu’on pourrait qualifier de spots publicitaires et radiophoniques !
Au détour des années 30, il rompt avec Breton et continue seul dans un monde dont il devine déjà les tourments à venir. Le fascisme est aux portes de l’Europe. Il le voit venir et s’engage dans la lutte avec d’autres intellectuels. Le refus du Sénat d’accorder de l’aide à la République espagnole aura raison de son pacifisme. Il faut faire barrage au nazisme, il faut défendre la patrie de l’humanisme, et de la liberté. Plus rien ne le fera déserter ce combat. Ni la défaite, ni l’armée allemande occupant Paris. L’heure est au journalisme, à présent. Il écrit dans Aujourd’hui, la publication d’Henri Jeanson, en jonglant « mine de rien » avec la censure pour en retirer « l'inestimable satisfaction d'emmerder Hitler ». En 42, il rejoint le réseau Agir. Tout en produisant des poèmes en argot, où il repeint Pétain en Maréchal Ducono ! Autant d’appels à l’éveil des consciences et à la résistance.
Mais le réseau est infiltré. Et Desnos va être arrêté le 22 février. Partant de Compiègne, il traverse Buchenwald, Flossenburg, et enfin Terezin. Jamais il ne cesse d’écrire. Malgré la fatigue, la vermine, le typhus. Les nazis s’enfuient, abandonnant le camp et les déportés, et c’est l’Armée rouge qui libère les survivants, le 8 mai 45. Un étudiant tchèque découvre par hasard la présence de Desnos parmi les occupants d’une paillasse. Trop tard, un mois plus tard, le 8 juin, le poète meurt d’épuisement et de maladie, et son cœur cesse de battre… Ce cœur dont il disait :
« Pourtant ce cœur haïssait la guerre, et battait au rythme des saisons,
Mais un seul mot : Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères ! »
Brigitte Blang