7 octobre 1948, le mineur Jansek meurt à Merlebach
Cet automne-là, dans le pays, les grèves et les revendications se multiplient chez les mineurs de tous les bassins houillers ou ferrifères.
Depuis des années, en fait depuis le courant de la guerre, les privations, le rationnement se sont installés. Les récoltes calamiteuses font flamber les prix et éreintent la population. À cela il faut ajouter un contexte politique et social décousu. La guerre froide a débuté. Les syndicats, surtout la CGT, contestent les différents gouvernements. Tensions exacerbées par un décret de Robert Lacoste, ministre de l’Industrie du gouvernement Daladier, qui prévoit une baisse des salaires et annule les droits acquis par les mineurs après la Libération. Ce qu’on nomme des « avantages », ils ne sont pas prêts à les abandonner. Des avantages, une coopérative, une caisse d’aide aux familles, des garanties sociales, réparatrices de leurs si difficiles conditions de travail, et spécialement un salaire minimum ? Non ! Ils les ont durement arrachés, ces droits. Ils ont aussi contribué, par des actes de résistance, de grèves en manifestations, en refus de remonter la houille de la fosse, à précipiter la chute des nazis. « Pas de charbon pour l’ennemi ! » criaient les femmes dans les corons…
La grève est décidée par referendum, à une majorité non contestable, par quasiment 90% des voix exprimées. C’est donc bien une « grève légale ». Elle gagne vite tous les bassins houillers. Le referendum a posé comme préalable l’abrogation des décrets Lacoste, totalement illégaux en regard du Statut du Mineur, reconnu par l’Assemblée et la Constitution. Un statut que personne ne pouvait contester. Personne. Sauf peut-être le ministre de l’Intérieur, socialiste bon teint, un certain Jules Moch.
Sans attendre la fin des négociations des grévistes avec le cabinet de Lacoste, Moch envoie des blindés et des CRS dans le midi et en Lorraine. Plus de 50000 hommes juchés sur des automitrailleuses sont déployés autour des fosses. La force des armes contre les mains des travailleurs…
Jules Moch a préféré la force et la répression à la négociation. La force et la répression qui vont amener la mort avec elles. Le 7 octobre, à Merlebach, le mineur Jansek est abattu à coups de crosse par les CRS. D’autres tomberont à Alès, à Firminy. Partout sur les murs, on fait rimer CRS avec… SS. La guerre n’est pas si loin.
Très vite, le cinéaste Louis Daquin tourne un documentaire qu’il titre « La Grande lutte des mineurs ». Tout aussi vite, le film est censuré ! Ce qui n’empêche pas, on s’en doute, sa diffusion clandestine dans les ciné-clubs de la CGT, ou du PCF.
Après 56 jours de grève et des milliers d’arrestations arbitraires pour faits de « violence », 3000 grévistes sont licenciés. Et 1300 condamnés à de la prison ferme. Il va leur falloir attendre 2014 pour être réhabilités. Et indemnisés.
Mais combien d’euros faut-il pour effacer de nos mémoires le nom des hommes sacrifiés par un certain terrorisme d’État ?
Brigitte Blang