travailler encore, travailler encore...

Publié le 25 Février 2012, 00:00am

Catégories : #syndicats

Chronique d’une mort annoncée.(épisode 1)

Florange n’est pas encore une ville morte. Florange veut vivre, Florange vivra. Et Florange, c’est d’abord Arcelor-Mittal, le fleuron de la sidérurgie.

Drôle de semaine ici. Ça commence lundi avec le blocage des Grands Bureaux.de l’entreprise. C’est comme ça qu’on appelle l’immeuble où se décide l’avenir des travailleurs, où se traitent les affaires de gros sous, celles qui sont trop compliquées pour que les ouvriers les gèrent, ou même les comprennent.

Tout ce monde, ce beau monde, celui qui transpire, celui qui vit là, va s’installer là-haut, autour de la grande table des décisions. Les caméras tournent, les micros se tendent. Ils demandent quoi, au juste, ces insolents qui se permettent de s’asseoir avec leurs drapeaux et leurs chaussures de sécurité dans ces beaux fauteuils de cuir ?

Trois fois rien. Ils sont venus dire que Florange est à eux. Que tout ce qu’on voit ici de feutré et de bien ciré, c’est avec leur travail que ça a été payé. C’est à eux, ils n’en démordent pas. Ils veulent simplement que les promesses qu’on leur a faites sur la pérennité de leur entreprise soient tenues. Depuis octobre, la boutique tourne au ralenti. Deux hauts fourneaux arrêtés, dont on avait annoncé le redémarrage pour ces jours-ci. Et, apparemment, le programme a changé. On parle à présent du 3^ème trimestre et pas trop fort, encore ! Les syndicalistes, et les autres n’y croient plus. Tous savent ici comment on a traité leurs collègues de Gandrange, à deux cheminées d’ici. Ils ne veulent pas du même sort. Il y a du travail, on a besoin d’acier, de plus en plus, les jolies vitrines du hall sont là pour en témoigner. Voitures, boites de conserve, marmites, jouets, canettes de boisson, l’acier est partout. Et celui qui sort de leur usine est un beau produit. Et eux, ils sont d’excellents professionnels. Alors ? Alors, ici comme ailleurs, les chiffres parlent et la rentabilité avec eux. L’emploi industriel s’effondre, qui a perdu 2 millions de postes en 10 ans. Ils refusent d’être « les Grecs de la sidérurgie française » et ils font un serment. Que Florange devienne le cauchemar du gouvernement. La direction doit paniquer un peu. Il y a eu des précédents. Et on fait, comme toujours, appel à la raison. La raison ? Tu parles… Du chantage, oui ! Si vous n’êtes pas sages, on ne dialoguera pas. Ça c’est un argument ! Un argument qui, sans aucun doute, parle au cœur des 2900 ouvriers du coin. Vous avez une idée de ce que ça va représenter, en pertes réelles ? 50 000 emplois menacés. 50 000 personnes qui ne créeront plus une once de richesse, parce qu’on aura lié leurs mains d’or. Nous sommes ici dans une chanson de Lavilliers, mais grandeur nature et ça n'a plus rien de musical, croyez-moi. Les Mains d'Or de la Fensch Valley sont à l'arrêt, et les fourmis les gagnent.

Et puis, sur la pelouse, en bas, se sont montées des tentes, puis des tables et des bancs, apportés par la mairie. « Ce sera le village de la résistance, où les ouvriers pourront venir s'exprimer sur leur lutte », dit Jean Mangin, notre pote de la CGT. Les couleurs d’Arcelor-Mittal sont amenées. Remplacées illico par celles des syndicats. Tonnerre de bravos !

La journée avance. Autour de la fameuse « table des négociations », dans la lumière tamisée du Grand Bureau, les délégués préparent la riposte. Nous sortons. Même solidaires, même fraternels, nous n’avons pas à nous incruster. C’est leur combat. C’est le nôtre aussi. Par ricochet. Seulement par ricochet… On se quitte, il y a de la route. Mais on promet de revenir.

brigitte blang

(photos Rémy Blang à Florange ce lundi)