28 et 29 juillet
Alexandre Dumas participe à la première attaque sur l’Hôtel de Ville avec une centaine d’autres insurgés, drapeau bleu-blanc-rouge en tête. Pour cela, il leur faut franchir le Pont d’Arcole mais un canon tire sur eux à mitraille. Malgré leur grand courage, lorsqu’ils ne sont plus que vingt, chargés à la baïonnette par 400 à 500 soldats, ils s’enfuient par les petites rues.
En fin de matinée, une nouvelle offensive sur ce bâtiment symbolique réussit. Mais il sera perdu et repris plusieurs fois dans la journée avant de rester aux mains de républicains.
Vers trois heures du matin « Sur tous les ponts de Paris, l’on se battait ou l’on s’était battu. Les boulevards étaient en feu depuis la Madeleine jusqu’à la Bastille ; la moitié de leurs arbres avaient té abattus et avaient servi à élever plus de quarante barricades. La mairie des Petits Pères avait été emportée par les patriotes ».
Alexandre Dumas, auteur de la description ci-dessus, rejoint tôt dans la matinée, un nouveau groupe d’une centaine. « La plupart étaient des gens du peuple, les autres des commis de magasin (salariés du commerce), des étudiants et des gamins… en général c’étaient les gamins qui marchaient en tête, toujours prêts à tout ». Dans la journée, c’est un enfant de douze ans qui montera en pleine mitraille sur le toit du Louvre encore tenu par les Suisses pour y planter le drapeau bleu, blanc, rouge.
Quatre colonnes d’insurgés convergent vers le Louvre par le Palais Royal, le Quai de l’École, le Pont des Arts et le Pont Royal. Dumas participe à la troisième qui va être complètement décimée. Par contre la seconde réussit suite à une fausse manœuvre du régiment de suisses.
Que s’est-il passé ? Les 5ème et 53ème régiments de ligne, qui tenaient la Place Vendôme sont passés du côté de la Révolution. Le maréchal Marmont, commandant des troupes royales, a appelé un des deux bataillons défendant le Louvre en renfort mais ce mouvement, en plein combat, s’est transformé en déroute.
La Révolution de juillet est terminée. Le drapeau bleu, blanc, rouge flotte même sur Notre Dame de Paris. Le roi Charles X quitte la France.
30 juillet et jours suivants : la récupération de la révolution
La grande bourgeoisie va rapidement combler le vide politique créé par la victoire de la révolution et le départ du précédent roi. Par son rôle économique dans la société capitaliste en formation, par son argent, ses journaux, ses relations dans les allées du pouvoir, son expérience du politique, son homogénéité sur l’essentiel … elle dispose d’atouts considérables par rapport aux révolutionnaires de juillet, encore surpris de leur triomphe. Craignant les républicains révolutionnaires plus que les rois, elle fait appel à Louis-Philippe, un souverain constitutionnel.
La révolution de 1830 a définitivement exclu la noblesse et la hiérarchie catholique aussi moyenâgeuses et réactionnaires l’une que de l’autre de la direction presque exclusive de l’Etat. Voici venu le temps des banquiers, des industriels et de leurs prête-noms.
Deux ans plus tard, Alexandre Dumas termine son témoignage sur les « Barricades de Juillet » par une attaque en règle contre ceux qui n’ont rien fait pour ces barricades mais en retirent tout le profit :
« Prudents acteurs cachés dans les coulisses pendant que le peuple jouait le drame sanglant des trois derniers jours.
« La Révolution de 1830 était faite. Non point par les Casimir Périer, les Benjamin Constant, les Sébastiani, les Guizot, les Mauguin, les Choiseul, les Odilon Barrot et les trois Dupin… Ceux-là se tenaient chez eux, soigneusement gardés, hermétiquement enfermés… Le Louvre et les Tuileries pris, on discutait encore dans leurs salons, les termes d’une protestation que quelques-uns trouvaient bien hasardée.
« Ceux qui ont fait la Révolution de 1830… la plupart d’entre eux sont morts, prisonniers, exilés aujourd’hui ! Ceux qui ont fait la révolution de 1830, c’est cette jeunesse ardente du prolétariat héroïque qui allume l’incendie, il est vrai, mais qui l’éteint avec son sang ; ce sont ces hommes du peuple qu’on écarte quand l’œuvre est achevée, et qui, mourant de faim, se haussent sur leurs pieds nus pour voir, de la rue, les convives parasites du pouvoir, admis à leur détriment, à la curée des charges, au festin des places, au partage des honneurs.
« Ceux qui ont fait la révolution de 1830 sont les mêmes hommes qui, deux ans plus tard, pour la même cause, se firent tuer à Saint-Merry.
« Seulement, cette fois-ci, ils avaient changé de nom, justement parce qu’ils n’avaient pas changé de principes : au lieu de les appeler des héros, on les appelait des rebelles.
« Il n’y a que les renégats de toutes les opinions qui ne sont jamais rebelles à aucun pouvoir ».
conclusion
Je ne peux en finir avec ces articles sans insister sur les aspects positifs de la révolution victorieuse de la révolution de juillet 1830 :
* les couleurs bleu blanc rouge, symboles de la Révolution de 1789-1794, redeviennent celles du drapeau national
* le cens (fortune) pour avoir le droit de voter est nettement abaissé
* abolition de la censure et liberté de la presse
* l’initiative des lois est reconnue également à la Chambre
* le catholicisme n’est plus religion d’Etat
Jacques Serieys ( PG 12 )