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le blog de brigitte blang

l'actualité politique vue par une militante de gauche.


face à le Pen

Publié le 16 Mai 2012, 21:22pm

Catégories : #parti de gauche

À un mois de son affrontement avec Marine Le Pen à Hénin-Beaumont, rencontre avec un Jean-Luc Mélenchon combatif qui s’interroge autant sur la place de la gauche que sur les dérives de la droite.

Après la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon a décidé de poursuivre son combat contre le Front national en se présentant sur les terres de Marine Le Pen, dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais. Triangle rouge de Ras l’Front à sa veste, le tribun du Front de gauche nous explique pourquoi il a érigé la présidente du FN en adversaire numéro un.

 

alexis livre fnPourquoi avoir choisi de vous porter candidat face à Marine Le Pen ?

Jean-Luc Mélenchon – J’ai décidé d’être candidat aux législatives pour prolonger le message que nous avons porté lors de la présidentielle. Nous voulons livrer un combat social face au Front national dans une circonscription populaire. Hénin-Beaumont est la circonscription exemplaire pour cela. Alors que l’extrême droite prospère sur la décomposition des socialistes, nous allons tenter de relever la gauche. Avec la médiatisation de la campagne, cette bataille aura un retentissement national.

Mesurez-vous le risque politique de défier le FN sur une terre où il est fermement implanté ?

Je prends le risque d’être battu, et alors ? Les circonscriptions de gauche ne sont pas venues d’un claquement de doigts, elles ont toujours été gagnées au prix de luttes. En tant que figure de proue du Front de gauche, j’estime que j’ai un devoir d’exemplarité. A trois reprises, les socialistes ont tenté de parachuter quelqu’un dans cette circonscription, personne n’a voulu venir. J’assume mes responsabilités en m’y présentant comme candidat.

Pourquoi avoir fait de la lutte contre le Front national l’une de vos priorités politiques ?

Les gens pensent que le Front national est un cas particulier, comme s’il ne relevait pas de la politique mais de la morale. Pourtant c’est bel et bien de la politique. L’extrême droite n’est plus à la marge du système en ce moment de l’histoire. Un peu partout en Europe, on voit que la droite ne parvient plus à gérer la société avec ses méthodes traditionnelles et s’en remet progressivement à l’extrême droite. En ciblant le Front national, je m’attaque donc à la réorientation idéologique de la droite et aux risques qu’elle fait peser sur la société.

Avez-vous le sentiment que le FN n’est pas assez pris au sérieux ?

Les élites ont du mal à comprendre quand le monde change et elles reproduisent à l’identique ce qu’elles ont toujours fait. Quand vous ouvrez un livre d’histoire et que vous vous arrêtez à 1789, vous vous rendez compte que Louis XVI a cinquante moyens d’échapper à la guillotine. Il ne s’en sort pas car il ne parvient pas à rompre avec l’ancien monde. Les élites sont incapables de penser la nouveauté et de voir au-delà du capitalisme sauvage et productiviste qui est en train de s’écrouler. Tous les programmes politiques sont mis au pied du mur face à la crise que nous traversons.

Tout au long de votre parcours politique, vous vous êtes toujours placé en adversaire résolu de l’extrême droite. Votre enfance passée au Maroc vous a-t-elle rendu plus sensible à la question de l’immigration ?

Évidemment, ça joue pour moi un grand rôle. Je crois que Le Pen père et fille ne comprennent pas ce qu’est la France. Ils sont convaincus que l’identité française est figée alors qu’elle est perpétuellement en mouvement. Aujourd’hui, on demande des brevets d’intégration à des gens qui sont là depuis trois générations. On sous-estime la douleur que cela peut représenter d’être pointé du doigt de cette façon. On finit par douter de soi-même. Grâce à mon parcours, je comprends cette violence, je la ressens et quand ces gens m’entendent parler, ils ressentent une connivence affective.

Si le FN parvenait au pouvoir, vous plieriez-vous au verdict des urnes ?jlm stalingrad

Jamais. J’entrerais en résistance. Ces gens-là sont illégitimes à diriger la République. Et la France pour moi, c’est la République. La France sans la République, on a déjà donné : c’est le maréchal Pétain.

Vous refusez à Marine Le Pen et son parti toute possibilité d’évolution idéologique ?

C’est comme si vous me demandiez si j’ai une chance d’approuver la société de l’actionnariat, c’est impossible. Ma racine politique ne me le permet pas. Contrairement aux brevets de laïcité que lui ont décernés les médias, Marine Le Pen n’est pas laïque, elle est hostile aux musulmans, ce n’est pas pareil. Ce parti n’évoluera jamais, il sera toujours génétiquement antirépublicain.

Quelle est la responsabilité de la gauche dans la progression électorale du FN ?

Elle est colossale. Les victoires de l’extrême droite n’ont jamais eu lieu autrement que sur la base des fautes tactiques et stratégiques de la gauche. Le Parti socialiste n’a pas réussi à retrouver le chemin qui le mènerait au cœur du peuple. Le décrochage n’est pas qu’affectif, cette gauche-là est aujourd’hui incapable de prouver au peuple que ses intérêts sont à gauche. Il y a une déconnexion entre son programme et les classes populaires. Nous sommes la relève.

Quel regard portez-vous sur les méthodes employées par la gauche pour lutter contre le FN, que ce soit de manière morale avec SOS Racisme ou bien de manière plus spectaculaire, comme a pu le faire Bernard Tapie ?

Je crois que la solution n’est ni dans les leçons de morale, ni dans les injures. Les deux méthodes ont fait la preuve de leur inefficacité. Ma méthode est celle du débat argumenté. Prouver concrètement que nos solutions sont les bonnes et les leurs une illusion criminelle.

Quelle est la solution à adopter selon vous ?

La bataille morale est trop courte ! Il faut arrêter d’avoir un discours doloriste sur l’électorat du FN. On l’infantilise comme si les gens ne savaient pas qu’en glissant un bulletin de vote Front national, ils votent pour un parti raciste. À la place, je leur propose une identité patriotique, républicaine, écologiste et socialiste. L’enjeu est culturel.

Il y a aujourd’hui un sentiment assez largement répandu d’insécurité culturelle au sein de la classe ouvrière, notamment du Pas-de-Calais. Comment déconstruire cette panique morale ?

L’être humain est toujours partagé entre son attirance pour la ligne d’horizon et la peur de ce qu’il va y trouver. On ne peut pas reprocher aux gens de chercher un nouveau mode d’organisation quand celui qu’ils avaient s’est effondré. Lorsque la gauche n’arrive plus à faire comprendre que la solution passe par le social, le FN débarque et répond par l’ethnique. Les gens n’ont pas peur de l’autre ou de la globalisation, ils craignent simplement les ravages du capitalisme.

Malgré vos efforts, le Front national reste le parti qui capitalise le plus fort vote ouvrier. N’est-ce pas un échec pour vous ?

Je ne peux pas régler en une campagne des problèmes qui traînent depuis trente ans. Je pense que nous allons pouvoir reconquérir l’électorat ouvrier, mais ça se fera par étapes.

Vous faites appel à la « communauté ouvrière », mais dans une ville comme Hénin-Beaumont, marquée par la fermeture des mines, est-ce que cela a encore un sens?

La conscience ouvrière a été construite au prix du sang, des larmes et des fusillades. J’affirme que les solidarités communautaires ne sont pas détruites. Les gens ne se replient pas sur eux, ils se construisent autrement. Nous allons leur proposer de se construire dans la révolte. Wilhelm Reich tout comme Léon Trotsky partageaient le même avis sur la composition de la société. Le fascisme peut faire d’une poussière humaine une force. J’oppose cette méthode à Marine Le Pen. De la poussière de l’autre gauche, nous avons fait une force qui s’est donnée à voir tout au long de la campagne présidentielle, que ce soit à la Bastille, au Prado ou bien encore au Capitole. Je vais poursuivre le combat. Il ne faut pas que Marine Le Pen s’attende à ce que je rase les murs. On sera partout. Rue par rue, porte par porte, cœur par cœur.

 

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