Au détour de mon canard préféré (qui a dit Gala ?!!!), un bien bel article sur un film, qu’on ressort ces jours-ci. Que dis-je sur LE film des films. Du coup, comme on parle pas mal ciné ici ces derniers temps, je me suis dit comme ça qu’un petit détour ailleurs, en pays de noirceur, ça pourrait peut-être nous changer un peu.
Donc, on va parler d’un chef d’œuvre. N’ayons pas peur des mots. Et même d’un chef d’œuvre absolu. Le seul film de Charles Laughton : La Nuit du Chasseur. D’aucun le présentent comme un film d’amour. Oui, il y a de ça. Sauf que ce n’est pas d’un amour classique qu’il s’agit. En gros, et en quelques mots, c’est une histoire d’un noir total, qui finit sur un horizon lavé, avec une lueur d’espoir là-bas, tout au bout. En gros, seulement…
Avant d’être arrêté -et exécuté d’ailleurs-, un voleur confie son secret, et son magot, à ses enfants. L’homme qui a partagé sa cellule juste avant sa pendaison, Powell, va essayer de trouver l’argent, au cours de ce qui pourrait sembler une course-poursuite, si on n’était pas dans l’Amérique des années trente, celle des déshérités, des enfants abandonnés, des cœurs dévoués (oui, déjà…), des prédicateurs dévorés et dévorants, des drames liés au sexe et à la religion… Ce film-là, il contient à lui seul tous les autres. Tous… Le chapeau du héros est celui d’un cow-boy, lui-même est l’étranger qu’on ne tolère que parce qu’il est le porte-parole de Dieu, et surtout pas un dieu de bonté, ça non ! La fuite des enfants est haletante comme dans un thriller, ça tient du Petit Poucet et de Hansel et Gretel. On y croise des bêtes étranges, des rivières embrumées, des bâtisses spectrales. Il y a de l’amour, de la tendresse, du suspense, de la perdition, de la brutalité, du crime odieux, du comique (pas trop !), de la musique, aussi, du conte de fées, bien sûr, de l’épouvante, c’est certain, de la psychanalyse, on s’en doute ! et de la justice, en fin de compte.
On y a vu un film « chrétien ». Peut-être… Mais bien plutôt une critique en règle des prêcheurs fanatiques… On y trouve le Bien et le Mal, réunis en tatouage sur les mains de Powell. Ah ! Les doigts de Mitchum jouant à croiser les deux mots éternels : « Love » et « Hate », dans la lutte sans merci du jour et de la nuit, des bons et des méchants, de Dieu et du Diable, des adultes et des enfants et devinez un peu… C’est évidemment la main « Love », la main droite, qui tuera, puisqu’il y a meurtre et du plus terrible.
Les symboles vous semblent trop gros ? Non, jamais. On se laisse emporter, par l’histoire, oui. Même si au bout du compte elle est ténue, ce n’est pas ce qui est important. Ce qu’on garde, c’est la magie des images, le brouillard qui se lève sur une rivière, les animaux de la nuit non pas inquiétants comme ce serait le cas dans un film banal. Bien au contraire, on les sent gardiens des deux petits fuyards, gardiens et complices, aussi. Et puis, voilà, pour atténuer la barbarie du héros-monstre, il y a Rachel, sorte de bonne fée pétrie de bonté et de générosité, qui comprend tout, même les gamines paumées et amoureuses, sa maison est un havre de paix, de douceur intégrales, et c’est Lilian Gish qui la joue. LA Lilian Gish des films muets, avec son regard clair et jeune à jamais… Le film se termine sur un paysage enneigé. Oui, le méchant sera puni. Les gentils seront sauvés. Les petits enfants sans famille trouveront le bonheur (eh ! pas si sûr, néanmoins, on est en pleine crise sociale…faut voir…) auprès d’un ange à cheveux blancs, qui ouvre sa porte et son porte-monnaie.
Je ne sais pas si je vous ai donné envie de le voir, mais en attendant, je vais aller me le remettre dans le lecteur de DVD. Il en va des films d’amour comme de tout le reste. Chacun s’invente les siens. Moi, c’est celui-là…
brigitte blang
« Lorsqu'autrefois j'allais au cinéma, les spectateurs étaient rivés à leurs sièges et fixaient l'écran droit devant eux. Aujourd'hui, je constate qu'ils ont le plus souvent la tête penchée en arrière, pour pouvoir mieux absorber leur pop-corn et leurs friandises. Je voudrais faire en sorte qu'ils retrouvent une position verticale » Charles LAUGHTON