Roger Martelli : « La reconnaissance oui, pas la captation d’héritage »
L’historien et responsable communiste se félicite du geste du nouveau président, mais dénonce le brouillage des repères entrepris par l’homme de droite.
Comment réagissez-vous à l’invocation de Guy Môquet par le président de
Roger Martelli. La référence du nouveau président de
Nicolas Sarkozy ne s’est-il pas fait pas une spécialité du brouillage des repères ? Et pourquoi ?
Roger Martelli. Nicolas Sarkozy, champion d’une droite radicalisée à droite, voudrait nous faire croire que l’avenir est au brouillage de certains repères et à un nouveau consensus national, sous dominante de droite. Après Jaurès, voilà qu’il cherche à s’accaparer Guy Môquet. C’est sa manière à lui de lorgner vers le centre, tout en soignant sa droite. Cette façon de faire est dangereuse. Nous sommes dans une démocratie qui s’est constituée dans la concurrence, voire l’affrontement, entre une droite plutôt sensible aux valeurs d’ordre, de mérite et d’autorité, et une gauche plutôt tournée vers la justice, les droits de la personne et l’égalité. Ces deux systèmes de valeurs sont inconciliables et il n’est pas bon pour l’esprit démocratique de faire comme s’ils ne l’étaient pas. Il ne faut pas jouer avec les symboles. Il en est, à droite, qui sont exécrables, ceux qui portent depuis plus de deux siècles la haine contre-révolutionnaire de 1789 et de l’irruption populaire. Il en est d’autres que l’on peut respecter. De Gaulle fut une grande figure de la droite française. Les communistes l’ont combattu, parfois durement ; globalement, ils n’ont pas remis en cause sa grandeur. Mais il serait absurde, alors même qu’ils combattirent avec lui dans les heures sombres, qu’ils cherchent à capter à leur profit son image. Rendons grâce au chef de l’État de faire lire du Guy Môquet dans les écoles ; refusons au chef de parti de piller les héritages qui ne sont pas les siens.
Entretien réalisé par Patrick Apel-Muller
"Le président Nicolas Sarkozy a annoncé mercredi que sa "première décision" de président serait de faire lire dans toutes les classes du pays en début d’année scolaire, la lettre à ses parents du jeune résistant Guy Môquet avant son exécution.
La lecture de la dernière lettre de Guy Môquet avant son exécution est un message fort. Parce que ce jeune homme était porteur de patriotisme par son engagement dans la résistance, mais aussi parce que son combat pour l’émancipation humaine avait un but, celui de construire une République des droits et des libertés dans une démocratie.
Cette dernière lettre, comme son engagement, prend racine dans ce double combat, indissociable, de résistance et d’émancipation humaine. Ce combat pour résister et pour l’émancipation humaine est pleinement d’actualité et anime aujourd’hui les hommes et les femmes de progrès. Il est donc important que ce message soit délivré aux futures générations et contribue ainsi à placer au coeur de notre République, des valeurs, des droits et un idéal."
Marie-George Buffet, Secrétaire nationale du PCF
Les fusillés de Châteaubriant de René-Guy Cadou (Pleine Poitrine 1946)
Ils sont appuyés contre le ciel
Ils sont trente appuyés contre le ciel
Avec toute la vie derrière eux
Ils sont pleins d’étonnement pour leur épaule
Qui est un monument d’amour
Ils n’ont pas de recommandations à se faire
Parce qu’ils ne se quitteront jamais plus
L’un d’eux pense à un petit village
Où il allait à l’école
Un autre est assis à sa table
Et ses amis tiennent ses mains
Ils ne sont déjà plus du pays dont ils rêvent
Ils sont bien au-delà de ces hommes
Qui les regardent mourir
Il y a entre eux la différence du martyre
Parce que le vent est passé là où ils chantent
Et leur seul regret est que ceux
Qui vont les tuer n’entendent pas
Le bruit énorme des paroles
Ils sont exacts au rendez-vous
Ils sont même en avance sur les autres
Pourtant ils disent qu’ils ne sont plus des apôtres
Et que tout est simple
Et que la mort surtout est une chose simple
Puisque toute liberté se survit.