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le blog de brigitte blang

l'actualité politique vue par une militante du parti de gauche.


au cinéma ce soir

Publié le 16 Septembre 2009, 23:00pm

Catégories : #un peu de ciné - de lecture - de culture

Aragon avait écrit le poème. Et Léo l’avait mis en musique, et chanté comme personne. Un certain Frank Cassenti l’avait filmé, il y a au moins trente ans. Là, c’est Guédiguian qui s’y colle. Avec bonheur et talent, comme de bien entendu. C’est Guédiguian, et puis c’est tout. Ça aurait pu s’appeler simplement « L’Affiche Rouge », puisque c’est d’elle qu’il nous parle. Mais non. Il a préféré lui donner le nom de cette espèce de sous-titre abject dont les flics français de ce temps-là l’avaient affublée. « L’Armée du Crime ». C’est un hommage, à un pan de l’histoire de notre pays qu’on nous a bien caché. Pendant si longtemps. Ce que ça raconte ? Trois fois rien. Des résistants, comme plein d’autres. Qui vivent. Qui aiment. Qui pleurent. Qui ont peur au moment de tirer, au moment de lancer la grenade (« la tomate », comme ils disent !). Simplement peur, comme vous ou moi aurions eu peur, certainement. Des héros à coup sûr, mais vus de l’intérieur, éclairés seulement par la lumière de leurs convictions. C’est toute la force de ce film magnifique : ne pas en faire des êtres surnaturels. Ils sont des hommes et des femmes comme tout le monde. Ils sont jeunes, beaux, poètes ou lycéens, et ils vont mourir pour la France. Comme plein d’autres, diront certains. Comme plein d’autres. Sauf qu’eux, ils n’étaient pas français. Arméniens, italiens, espagnols, polonais, roumains, que sais-je encore. Mais aussi juifs et communistes. Mais aussi qui aiment tant la France qu’ils vont lui donner leur vie. Une histoire simple ? C’est vrai. Tellement simple dans ce pays en chaos, ce pays qui ne savait plus très bien où se trouvaient ses valeurs. Eux, tous ceux-là, ils les connaissaient par cœur nos valeurs, notre devise de démocratie et de république, nos Lumières. C’est même pour toutes ces raisons qu’ils avaient choisi de s’installer là, ou bien leurs parents, mais c’est pareil, n’est-ce pas ? Face à eux, une brochette de salopards de première classe, des salauds ordinaires, des flics ignobles, des tortionnaires sûrs de leur bon droit, mais aussi une concierge propre sur elle, qui dénonce comme ça, pour rien, rien à y gagner, d’ailleurs, sinon je ne sais quelle satisfaction dégueulasse du devoir accompli. L’Armée du Crime, ce sont eux, tous ceux-là qui la forment, Guédiguian l’a dit et redit ces jours derniers. Rien de manichéen non plus. Il y a de bons flics, de ceux qu’on plongera aussi dans la baignoire. Et il y a des dénonciateurs du côté des résistants. Masi qui peut nous dire si nous nous serions tus ?  On croise Henri Krasucki tout jeunot. (Henri Krasucki, tant et tant ridiculisé par les marionnettes de TF1, vous vous souvenez ? Un jour, il avait raconté que pour tenir dans les camps, il se chantait des opéras et des symphonies de l’ouverture à la fin. Pour tenir…) Et puis, comme ils ont été vendus, ils vont tomber. Sous les balles et sous les flashes. Déjà, certains journalistes n’étaient pas bien fréquentables, savez-vous ? Ces photos serviront à une propagande immonde. Propre à défigurer leur combat, leur sacrifice. Propre à les faire passer pour des criminels, eux qui vont mourir pour la Liberté. À un tournant du film, on entend un officier nazi dire : « Il faut terroriser les terroristes… » Vous aussi, ça vous titille la mémoire, non ? Clin d’œil ? Raccourci historique ? Peu importe. Ce qui compte, c’est que nous nous en souvenions. Comme il importe que nous n’oubliions pas Manouchian, ni sa dernière lettre. Tiens, à propos, on n’a obligé personne à la lire aux petits enfants, celle-ci, et pourtant, elle en vaudrait le coup, cette supplique d’amour et d’humanité… Alors, ils vont mourir, sous les balles, dans un petit matin d’hiver, alors que les parisiens vivent presque normalement. Alors, ils meurent, et nous n’oublierons pas. Juste un mot des acteurs, tous formidables, de Simon Abkarian, habité par Manouchian, à Virginie Ledoyen intense Mélinée, en passant par Robinson Stévenin, enfiévré, exalté Marcel Rajman, Grégoire Leprince-Ringuet, un petit lycéen tout de courage et d’amour filial, et puis bien sûr le trio fétiche de Guédiguian : Ariane Ascaride, Gérard Meylan et Jean-Pierre Darroussin, complètement à contre-emploi, c’est lui le flic et de loin pas le plus glorieux… L’histoire de Missak Manouchian et de ses camarades, on peut la retrouver tous les jours, si on veut. On monte au Père Lachaise. Là-haut, en face et pas bien loin du Mur des Fédérés, un monument tout simple porte gravés les premiers vers d’Aragon. Allez-y. C’est tout près. Et ça vaut le coup d’y aller, rien que pour dire que nous n’oublions pas qu’ici dans le patrie des Droits de l’Homme, les mots révolte et désobéissance ont un sens, même si beaucoup les ont un peu vite remisés au magasin des accessoires. L’Internationale résonne dans ce film, comme une piqûre de rappel aux combats ouvriers, d’il y a si peu encore…

brigitte blang

 

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