29 avril 1945 : les femmes votent pour la première fois.
Un an plus tôt, l’ordonnance du 21 avril 1944 avait décrété : «Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. »
Parmi les votantes à ces municipales, combien avaient combattu dans les rangs de la Résistance pour vaincre les nazis, au péril de leur vie ? Combien même étaient déjà là lors des grèves de 36 ? Combien d’entre elles exerçaient une profession ? Et pourtant, avant ce mois d’avril 45, la moitié de la population majeure de ce pays n’était pas encore citoyenne à part entière. Après les Américaines, les Britanniques, et après les Turques, les femmes votent ! Une idée neuve, jeune de 155 années !
Dans un texte sobrement intitulé « Sur l’admission des femmes au droit de cité », de juillet 1790, Condorcet affirmait qu’on ne peut libérer l’homme sans libérer la femme. Et qu’il fallait donc donner à chacun des droits identiques. Entêté à défendre l’égalité des deux sexes devant les lois, il y affirme que si tous les humains n’ont pas les mêmes droits, alors aucun individu n’en mérite un seul.
Et si on lui oppose la notion d’infériorité physique, pour cause de grossesses et d’indispositions passagères ? Il répond par les crises de goutte et la propension à la grippe chez les hommes ! On lui répond alors par l’absence de génies féminins dans les lettres ou les sciences. C’est peut-être qu’on les a tenues à l’écart de l’éducation, propose-t-il ! Faudrait-il donc que seuls les hommes géniaux aient le droit à la citoyenneté politique ? Cela en écarterait une bonne quantité !
Un siècle plus tard, les mêmes réticences s’exprimeront. Comment concilier des devoirs d’épouse, de mère, de ménagère, avec ceux de l’exercice du droit de voter ? Et surtout, comment accepter que des êtres immatures, des « citoyens passifs » influencés par les prêtres et la religion, puissent réfléchir sainement aux destinées de la cité ?
Depuis la Grande Révolution et la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges, jusqu’à ce 29 avril 1945, de tout temps, des femmes auront lutté pour ce droit élémentaire, point d’appui essentiel de leur liberté et de la parité pleine et entière avec les hommes. Une parité loin d’être acquise, et qu’il faut continuer à défendre, pied à pied, 225 ans après Condorcet…
brigitte blang