Le 22 octobre 1887, dans une famille bourgeoise de Portland, aux USA, nait John Reed, qui deviendra, au siècle suivant, un véritable héros romantique. Un peu comme le Che. La légende en moins.
Dès ses études universitaires à Harvard, il se sent pousser des ailes progressistes. Il est doté de tous les charmes. Brillant orateur, plume alerte et aiguisée, enthousiaste et prêt à pourfendre l’injustice partout où il la rencontre, il est auréolé de succès et ses articles lui sont achetés à prix d’or. Il passe plusieurs mois au Mexique, auprès des troupes de Pancho Villa et en tire un récit qui fera date : le Mexique en Révolte. Il donne de la Révolution au sud du Rio Grande un récit lyrique, presque poétique, des luttes obstinées pour la terre et la justice sociale.
Mais ce statut de jeune journaliste éveillé ne lui suffit pas. Il met son talent au service du prolétariat. Il participe aux grandes grèves, celles du pétrole, entre autres, qui lui permet de dénoncer avec vigueur les méthodes de Rockfeller.
Il part pour l’Europe dès août 1914, sillonnant tous les pays emportés par la tourmente. Sans néanmoins étouffer son profond pacifisme, qui le pousse à prôner la non-intervention de son pays dans le conflit et qui le mènera en prison.
Avec Louise Bryant, sa compagne, on le retrouve au cœur de l’Histoire en marche, là où un journaliste doit être en 1917, au milieu de la Révolution russe. Témoins de premier plan, on les retrouve auprès de Lénine, Zinoviev, Trotsky et tant d’autres. Dans le même temps, et pendant qu’il engrange la matière de son œuvre phare, il enchaîne les allers-retours avec les États-Unis, où on l’attend pour finaliser le grand parti « socialist » comme il l’a rêvé. De dénonciations en arrestations il revient à Moscou, contracte le typhus et meurt, à 33 ans à peine. Seul Américain à en être digne, son corps sera enchâssé dans le mur du Kremlin.
Reed, ce journaliste qui écrivait plus avec son cœur qu’avec sa tête, n’a pas été réellement acteur de cette révolution, mais du moins en a-t-il rapporté un témoignage sincère, loin de tous les bidonnages si courants à cette époque. Ses Ten Days that shook the World (Dix Jours qui ébranlèrent le monde) sont une référence dans cette tranche d’histoire.
Bien plus tard, en 1981, Warren Beatty en fera un héros romantique, par la grâce d’un film tout pétillant d’Oscars : Reds. Un homme mort si jeune qu’il n’avait pas eu le temps de trahir son idéal. Un homme qui avait donné la parole au peuple, plutôt qu’aux puissants.
Brigitte Blang