Le 23 septembre 1973, 12 jours après la mort de Salvador Allende, meurt un poète, un romancier, un écrivain engagé. Ce jour-là, disparait Pablo Neruda, laissant orphelins tous les épris de liberté.
Depuis le Chili, où il naît en 1904, jusqu’en Europe et en Asie, où il fut consul, il ne cesse d’écrire et de militer pour ceux qui ne peuvent pas, qui ne savent pas.
Ses premiers poèmes sont des poèmes d’amour, tout empreints de la sensualité qui l’habite. Mais c’est vers d’autres rivages qu’il se tourne, ayant vécu l’expérience de la guerre en Espagne. Vers le socialisme, bien sûr. C’est l’assassinat de son ami Garcia Lorca, en 1936, qui le convainc de l’urgence de combattre tous les fascismes et de défendre la République espagnole. Ce qui derechef, conduit à sa révocation !
« L’Espagne au cœur », publié en 1938, est une vraie rupture dans le ton et la portée de son écriture. Il n’est plus dès lors un homme qui écrit pour lui-même, mais pour faire œuvre de solidarité. Il crée des comités de soutien, affrète un navire pour sauver des réfugiés politiques espagnols, devient sénateur, membre du Parti communiste. De trahisons en désillusions, pourtant, il va devoir connaître l’exil. Qu’à cela ne tienne, il en profite pour visiter l’URSS, la Pologne, l’Italie, le Mexique aussi. Et rédiger son grand œuvre, son Canto general, écrit et paru dans la clandestinité en 1950. Hymne extraordinaire qui célèbre le génie de l’Amérique latine et de tous les peuples opprimés.
Depuis quelques années, il a rejoint le Conseil mondial de la Paix. Il a aussi fait la rencontre de la compagne de sa vie, Matilde, pour laquelle il compose des vers d’amour fulgurants de passion, « Cien poemas de amor ».
La fin de l’exil le ramène au Chili, où il devient président de l’Union des écrivains. Soutenir Salvador Allende lui est une évidence. Comme d’être encore et toujours la cible des associations anticommunistes. En 1971, le prix Nobel de littérature vient couronner son œuvre ciselée de lyrisme et de révolte pour la liberté et la fraternité.
Le 11 septembre 1973, le coup d’état amène au pouvoir la terrible dictature de Pinochet. Les livres de Neruda sont brûlés sur les places. Neruda meurt sur l’Île Noire, où il a choisi de se retirer. Les causes de sa mort divisent encore… Mais les milliers de Chiliens qui escortent son cercueil sont bien réels, eux, et nul ne peut contester ce cri qui monte de la foule : « Pablo Neruda, presente ! », comme un refus de la terreur qui rôde.
Sa dernière œuvre est posthume, au titre marqué du coin de l’espoir : J’avoue que j’ai vécu…
Puissent tous les peuples brimés pouvoir le dire à leur tour.
Brigitte Blang