Le printemps de 1848 voit un peu partout en Europe les peuples se soulever contre les rois qui les gouvernent. La France, berceau de toutes les idées de liberté et d’égalité, n’échappe pas au mouvement. Dès le mois de janvier, Tocqueville alerte sur les aspirations du peuple. Il sent le sol trembler, et la révolution venir. À l’inverse, le roi, lui, ne voit rien et continue à se croire indispensable ! Pourtant, il finit par abdiquer le 24 février. Et dès le lendemain, le gouvernement provisoire proclame la République. La monarchie de Juillet a vécu !
Les premières mesures de la Deuxième République sont autant d’emblèmes : liberté individuelle, égalité politique, liberté de réunion, abolition de l’esclavage… Mais c’est pourtant son œuvre sociale qu’on retiendra, celle qui proclame la démocratie sociale et la fraternité universelle. Celle qui décrète la création des ateliers nationaux, pour faire reculer le chômage. Celle qui abolit la peine de mort pour les délits politiques. Celle qui, le 2 mars, ramène la journée de travail à 10 heures afin de permettre au travailleur de « cultiver son intelligence ».
C’est en cette journée du 2 mars que Victor Hugo, en plantant Place des Vosges un arbre de la Liberté, prononce un des ses discours visionnaires célébrant la toute jeune République. Comme l’arbre qui plonge ses racines au profond de la terre et étend ses branches vers le ciel, la Liberté s’ancre de même au cœur de l’homme et le protège de son ombre.
L’écrivain poursuit en saluant l’espoir de paix et d’affranchissement qui germe et mûrit sur le pavé parisien en ces jours d’insurrection. En quelques mots, il réunit 1789 et 1848, tant il lui est évident que ces deux moments de libération populaire ne tracent qu’un seul et même chemin vers la Liberté. Car enfin, que demandent les hommes, en ces jours de fin d’hiver, comme au plus fort de l’été, 60 années plus tôt ? Quoi d’autre que la satisfaction de leurs droits et besoins ? Et c’est ce devoir qu’il assigne à l’avenir ! Bâtir, créer, partager. Tout cela au nom d’une paix universelle, de la fraternité et de l’émancipation des peuples.
L’universalité appelée par le grand Hugo en ce jour de mars va trouver son écho. Partout en Europe, la France est pointée en exemple. La contagion est un risque. Et les souverains préfèrent les concessions démocratiques au « désordre ». Et déjà, on assiste à un premier printemps des peuples.
Comme souvent, Hugo a ouvert le chemin. Il a su mettre des mots sur l’esprit qui soufflait dans la foule. Une foule où, avec 120 années d’avance sur un certain 1968, l’ouvrier coudoyait la jeunesse étudiante et la bourgeoisie de progrès. Sans haine. Sans rancune. Seulement pour faire vivre une idée : le socialisme.
Brigitte Blang