16 juillet 1942. Dans Paris, l’ignominie débute. L’horreur commandée par les nazis, certes, mais finalisée par les gendarmes, les policiers français, supplétifs indignes d’un occupant qui n’en demandait pas tant. Ce furent les bus, conduits par des chauffeurs bien de chez nous eux aussi. Des bus où on entasse des familles entières, du grand-père au nourrisson. Des bus qui se dirigent tous vers un endroit où, en principe, on allait pour se détendre. Tu parles… On embarque, on parque. C’est le 16 juillet 1942. C’est la Rafle du Vél d’Hiv. Ce sera à jamais la honte de notre pays de liberté, d’égalité, de fraternité. Qu’on ait pu, sur notre sol, envoyer à la mort des gens dont la seule faute aurait été de ne pas être du bon côté de la foi semble impossible. Et pourtant…
Pour évoquer ce drame, une fois encore, passons par le cinéma. Non, pas « la Rafle », qui au-delà de bonnes intentions indéniables, nous est apparu un peu démonstratif, un peu trop, comment dire, pédagogique, peut-être. Non, ici, le choix a été facile. Le plus grand film jamais tourné sur le sujet date de 1974. Il est de Michel Mitrani. Et il s’appelle « les Guichets du Louvre ». Le plus grand film, le plus beau aussi. Une histoire vécue par Roger Boussinot, et par lui racontée dans un récit, du même nom.
Paul est étudiant en 42. Prévenu de ce qui se prépare, il traverse le Marais en cette journée d’été. Il voudrait aider, sauver. Il ne fait pas toujours ce qu’il faut pour être pris au sérieux. Mais aussi, c’est vrai, qui pourrait croire à ce qu’il raconte, imaginer ce qui se joue là ? On ne risque rien, n’est-ce pas, puisqu’on est français… Puisqu’ici, c’est la France. Rien de mal ne peut arriver, en France, malgré les lois iniques et incompréhensibles. Ses pas croisent des destins, des humains, et Jeanne (magnifique Christine Pascal, vibrante, ardente, trop tôt partie voir ailleurs si la vie n’y serait pas plus belle, par hasard…), Jeanne qu’il pourrait aimer, qu’il parvient presque à convaincre de le suivre. Presque, seulement presque… Car au moment de passer les guichets du Louvre, vers l’autre côté du fleuve, vers la possible issue, elle reculera, et rejoindra sa famille. Au risque de se perdre.
Rien n’est dissonant dans les Guichets du Louvre. Tout est juste, infiniment juste, depuis les costumes jusqu’aux autobus, tout est bouleversant d’authenticité. Voilà, c’est ça, une reconstitution historique qui ne dégouline pas de bons sentiments. C’est seulement un moment de cinéma indispensable. À projeter dans les classes, pour dire qu’un jour, il n’y a pas si longtemps, les gouvernants de notre beau pays avaient fondé une hiérarchie entre les humains qui vivaient là. Il n’y a pas si longtemps… C’était hier. Ouvrir les mémoires et les consciences, c’est à ça que ça sert, le cinéma. À ne pas faire bégayer l’histoire.
brigitte blang