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le blog de brigitte blang

l'actualité politique vue par une militante de gauche.


C'était un lundi

Publié par Brigitte Blang sur 8 Janvier 2016, 00:00am

Catégories : #histoires et histoire

C'était un lundi

À la fin de la récré, Rémy est venu dans ma classe. Il avait entendu les infos à la radio. Ça m’a fait comme un truc bizarre dans la tête. Comme quand on t’apprend un départ proche. À partir du lendemain, on a acheté tous les journaux qui sont parus, je les retrouve aujourd’hui. Quelle drôle d’idée, quand même, cette accumulation de souvenirs en papier… Ce qui reste aussi, c’est cet hommage que le recteur avait ordonné, deux minutes de recueillement avec les élèves. J’ai désobéi. Oui, j'ai du mal avec les injonctions ! À la place, on a écouté des chansons, dans toutes les classes, de celles qu’on aurait pu appeler « les Années Mitterrand » : Saïd et Mohamed, Né quelque part, l’Aziza, Tu touches pas à mon pote, Noir et Blanc, et d’autres encore. C’était trop bête ce silence artificiel, les gamins, c’était plus important de leur raconter qu’il avait aimé les chanteurs, que le rock était entré à l’Élysée pendant qu’il y habitait, que tous ces mots n’étaient pas innocents, qu’il y avait là-derrière autre chose que des rythmes et des guitares. Ca a plutôt bien marché ce petit hit-parade en forme de déférence. Ce qui reste aussi, c’est que le Parti, en Moselle, avait choisi la cérémonie religieuse. Étrange, tous ces laïques dans une église. On n’a pas bien compris… Ce qui reste aujourd’hui c’est une certaine idée de la liberté, ce sont aussi des témoignages de cette année-là, plus que jamais d’actualité, à l’heure où, décidément, la politique change de dimension. Rappelons-nous.

Oskar Lafontaine: « …Plus qu’un grand marché, l’Europe était pour lui l’union de pays ayant une politique commune, dans le domaine social et extérieur. Elle était surtout l’Europe des citoyens… »

Laurent Fabius : « … François Mitterrand s’est identifié au combat de la gauche. Il a fait renaître le Parti Socialiste. Il a incarné l’espérance pour des millions de femmes et d’hommes. Il aura déployé d’exceptionnels talents de volonté, d’intelligence, de rebond, de ténacité, les talents d’un esprit totalement libre que l’injustice révoltait et qui a montré qu’on peut peser sur l’Histoire… »

Jean Poperen : «… François Mitterrand, c’est d’abord l’homme du rassemblement. Il a toujours considéré que le mouvement socialiste avait besoin de tous, qu’il devait assumer les différences… Démentant ceux qui ne croyaient pas à l’union de la gauche –souvent parce qu’ils n’en voulaient pas- il a fait triompher ces deux exigences inséparables : ne jamais renoncer à s’unir, surmonter les intransigeances et les sectarismes, mais ne rien céder sur l’exigence démocratique… »

Marie-Noëlle Lienemann : « Merci pour tout ce que vous avez fait pour la France, pour la gauche, et pour tant d’entre nous… Mais l’essentiel n’est-il pas qu’avec vous, les plus petits, les salariés, le peuple se savent entendus, représentés, défendus ? Je n’oublierai jamais les mains tendues des enfants de ma banlieue qui, en vous rencontrant, se plaisaient à aimer d’un même élan la France, la République et la gauche. Il faudra aujourd’hui, hélas sans vous, poursuivre les combats que vous avez engagés contre l’ordre établi, les privilèges, les injustices… »

Danielle Mitterrand : « …Il pleut sur Latche, il me semble regarder tomber la pluie pour deux… François abandonne la vie, parce que trop fatigué, elle l’insupporte. Nous respectons sa façon de sortir de la scène, sa façon de mettre un terme à son œuvre, à s’éloigner de sa famille qui le fera vivre parmi les vivants, parce que François ne meurt pas… »

C’était un lundi… C’était il y a 20 ans, déjà…

Et il manque encore, ô combien…

brigitte blang

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Deux précisions avant de commencer : j’ai voté pour lui en 1981. je suis assez âgé pour ça. J’éviterai les aspects « vie privée » du personnage. C’est inutile, tout le monde est fixé là-dessus. Je veux dire édifié. Simplement, on ne tolérerait pas un tel comportement d’un autre homme politique de nos jours. <br /> <br /> Restons donc sur l’essentiel de son parcours. Ca sera aussi l’occasion d’éclairer l’escamotage auquel se livrent allégrement les célébrants du culte de Mitterrand. Je les sais sincères. Sinon je n’écrirais pas tout ça. Il convient de rappeler certaines choses et de les mettre en perspective. On peut être de gauche et critiquer Mitterrand. Refuser la cécité et la complaisance, ça ne rend pas complice de la droite la plus rance qui la combattu dès le premier jour. A droite certains avaient de bonnes raisons. Ils ne défendaient pas forcément et uniquement le capitalisme en dénonçant ce personnage. Ca n’est pas eux qui le propulsèrent au-delà des grilles de l’observatoire.<br /> <br /> C'était un triste Sire. Je pourrais même livrer des détails sur l'origine de son adhésion à gauche. Je m’abstiendrai pourtant à cause de ce qui précède. N’y mêlons pas le glauque. <br /> Commençons par le crime originel. L'attribution de la Francisque par Pétain. Ca paraît anodin; mais ça ne l'est pas quand on connait les conditions d'obtention de cette décoration ce que ses admirateurs évitent toujours. Deux témoins étaient nécessaires pour prouver que le récipiendaire avait avant 1939 (la date est importante) milité pour les principes de la Révolution Nationale; inutile de les rappeler. Il les a trouvés. Et pour cause. Parmi les deux témoins qu'on n'ose appeler de moralité se trouvait Gabriel Jeantet, membre de la célèbre "Cagoule" qu'on retrouvera après la guerre dans tous les cabinets de Mitterrand. Il fut 11 fois ministre sous la IVème République. Ce qui ne l'empêchera pas dans les années 60 de soutenir qu'il n'avait rien à voir avec ce régime. Quant à son opposition à De Gaulle en 1958, il faut le faire remonter aux désaccords entre eux dès 1943à leur première rencontre. Mitterrand en voulut alors à De Gaulle de lui avoir refusé un poste de délégué. Ca explique certaines amitiés ? Certes. Voir René Bousquet dont il ne pouvait pas, dès les années 50, ignorer le rôle dans la rafle du Vel d'Hiv. Mitterrand avait été ministre de l'Intérieur. Il était trop prudent pour ne pas se renseigner sur ses fréquentations. Bousquet nanti des fonds de la famille Baylet servit de rabatteur pour tous les nostalgiques de Vichy afin de battre de Gaulle en 1965. Le petit Jean Michel en fut récompensé par un strapontin dans les gouvernements Cresson et Bérégovoy. La reconnaissance d’où qu’elle vienne est une qualité.<br /> <br /> Jean Védrine autre pétainiste convaincu lui aussi titulaire de la Francisque, dont le fils Hubert fit la carrière que l'on sait sous Mitterrand à l'Elysée. Faut il rappeler aussi la présence de Roger Patrice Pelat, financier de Mitterrand pendant des années dont l'Etat en 1982 rachètera l'entreprise Vibrachoc a un prix sur-gonflé - dixit Bérégovoy - aux dépens du contribuable. Il y a aussi l'affaire des terrains du circuit de Magny Cours dans la Nièvre. <br /> <br /> L’intégrité ne fut pas sa marque première.<br /> <br /> Bousquet fut finalement une chance pour lui. Il valait mieux qu'on lui rappelât cet épisode là que le rôle sanglant qu'il joua à deux reprises. Lors des grèves du Nord Pas de Calais en 1948 et en Algérie. La première d'abord. Lors d'une conférence de presse rapportée par « Le Monde » du 23 octobre 1948 il félicite les CRS et les militaires pour leur rôle dans la répression des mineurs et leur rappelle que la loi les autorise à faire usage de leurs armes à feu après sommation. Ca n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd puisque la répression dans le bassin minier fit 6 morts. Ce qui n'aurait pu rester qu'une tâche de sang s'élargit en flaque lorsqu'on aborde son rôle comme ministre de la justice durant le conflit en Algérie (au 1er février 1956 ; sa 11ème participation à un gouvernement en 7 ans !). Il dirigea une répression féroce contre les FLN veillant à ce qu'aucune grâce ne soit accordée à ceux condamnés à mort. Il fut un bon pourvoyeur de la guillotine. Et particulièrement zélé: 45 décapitations en 500 jours. Qui dit mieux ? Au même poste, il fait en sorte que, pour juger des auteurs de crimes et délits commis en Algérie, les tribunaux civils soient dessaisis au profit de la justice militaire, ouvrant la voie aux procédures les plus expéditives. <br /> N'allez pas croire que ce soit un remord qui le poussa à abolir ce châtiment en 1981. Reportez vous au journal officiel. Lorsqu'il convoque l'assemblée en session extraordinaire après les législatives de 1981, l'abolition n'y figure pas. Badinter le convaincra de la rajouter dans un second décret en août; de peur que les tribunaux le forcent à exercer trop souvent son droit de grâce. <br /> <br /> On ne peut non plus taire son rôle d'architecte du bastringue européen actuel. On ne peut pas soulever les critiques justes que mérite l'UE depuis quelques années et ignorer que l'impulsion décisive a été donnée par Mitterrand sans manquer quelque peu à la rigueur intellectuelle. A cet égard on est à la peine pour d’adhérer aux récents propos de J-L Mélenchon dans le magazine « Charles » sur les raisons qui ont poussé au virage de 1983. Son explication sur « le mur de l’argent » sonne trop comme un artifice. Il cherche à créer un lien totalement artificiel ininterrompu entre les expériences de 1924 et 1936 d’une part, et la période 1981-1983 d’autre part. Ca n’a rien à voir. Le changement de cap de 1983 a deux explications toute autres. Ca vient immédiatement après une défaite électorale majeure aux municipales et ca traduit le choix fondamental de Mitterrand de la construction européenne quite à jeter par-dessus bord ses promesses de 1981. Peu qui parlent du virage de 1983 évoquent le précédent de l’été 1982 marqué par un tour de vis économique. Il est vain de critiquer l’absence de soutien populaire pour aller plus loin. Le fond du problème était que Mitterrand ne le voulait pas. On ne peut pas non plus accepter l’affirmation dans cette interview que les tenants de « l’autre politique » n’avaient pas de programme. Que si ; c’était tout simplement la poursuite du programme de 1981.<br /> <br /> Revenons en à l’Europe pour lui rendre hommage. C'est la seule chose sur laquelle il n'a jamais varié, l’obsession permanente de sa carrière. Le seul reniement qui manque à son palmarès. Dès 1948 il assiste au Congrès de La Haye qui lance l'idée de construction européenne. J'en profite pour dire qu'à l'époque il n'a pas dû manquer de remarquer qui organisa et finança ce raout européen. Faut il rappeler aussi le thème de sa campagne du second tour en 1965. Elle comprenait deux assertions. La première, formulée en dépit de l'évidence, qu'avec l'attitude de De Gaulle vis à vis de l'Europe la France était isolée. La seconde soutenait que notre avenir était en Europe. La première était un slogan politique vide et injuste. La seconde en revanche pèsera lourd à l’avenir. On aurait dû y prêter plus attention. Certains slogans peuvent être des avertissements.<br /> <br /> Au bout de deux ans il décréta la parenthèse de la rigueur. L'arrêt de la politique initiée en 1981 avait pour cause le choix de l'Europe. C'est pourquoi il fait nommer à la Commission européenne Jacques Delors avec une feuille de route claire : relancer la construction européenne. Sous entendu : dans le sens de toujours plus d'intégration et donc d'abandons de souveraineté. Il ne pouvait ignorer cette synonymie. Elle était clairement évoquée comme impérative dès la conférence de la Haye. Ceci débouchera en 1985 sur « l'acte unique européen » et très vite sur sa conséquence ultime : le Traité de Maastricht et la monnaie unique. Ca a pris à Mitterrand moins d'une décennie pour sceller le sort de la France au sein de l'Europe avec toutes les conséquences qu'on connaît aujourd'hui. Mais ça n’est certainement pas pour faire l’Europe des citoyens, comme l’affirme pourtant O. Lafontaine, qu’il fit nommer Delors à la tête de la commission européenne. Il ne s’agissait pas de faire autre chose qu’un grand marché. La preuve, lorsque les difficultés ont commencé, révélant l’inanité du projet qu’a proposé Mitterrand ? Une grande banque. Ca dit tout.<br /> <br /> Que ça fait de la peine de lire sous la plume de JL Mélenchon qu’il avait fait ce choix en y voyant « l’horizon européen pour le socialisme ». Comme si en 1983 on pouvait encore se méprendre sur la nature intrinsèque de la construction Européenne. Ca n’était certainement pas l’intention de Mitterrand d’aller pêcher le socialisme dans ce marigot. Non, même à l’époque les illusions n’étaient plus permises sur la vocation réelle de l’Europe. Imaginer un instant que Mitterrand ait pu l’ignorer ou se méprendre serait faire injure à son intelligence. Autant l’admettre ? Pourquoi se dérober à un tel aveu ? C’est hélas se dérober aussi à des constats plus actuels et refuser des choix qui s’imposent pourtant.<br /> <br /> Peut-on passer à la trappe l’impulsion décisive qu’il donna au Front National ? C’était parti pour 30 ans de pourrissement de la vie publique en France. Jusque 1983 le FN était un groupuscule d’extrême droite sans avenir. Il aurait dû le rester. Mitterrand en décida autrement pour des motifs politiciens au pire sens du terme. Certains objectent qu’alors on ne pouvait deviner combien le poison se répandrait. C’est l’exonérer à trop bon compte. Mitterrand était trop fin connaisseur de l’histoire et des courants profonds qui hantent la société française depuis deux siècles pour penser que sa créature serait éphémère. Nous en payons le prix fort encore aujourd’hui et ça n’est pas terminé. <br /> <br /> Pourquoi ne pas évoquer la guerre du Golfe en 1991 où il a entraîné la France. Pouvait il ignorer la réelle raison cette expédition américaine ? L'invasion du Koweit par Saddam Hussein était un prétexte pour rétablir la position dominante des USA dans le golfe persique, menacée depuis la révolution iranienne. Débarrassé du front occident depuis l'implosion de l'URSS, les Etats Unis pouvaient reprendre pied dans cette zone. Mitterrand ne pouvait donc ignorer ces deux vérités. <br /> Il a vendu cette guerre aux français en disant qu'il fallait que la France soit dans la coalition pour être plus tard à la table des négociations. Nous fûmes exclus des négociations à Madrid fin 1991. Comme expertise géostratégique on fait mieux. Mais ca reste un chef d'oeuvre de duplicité. Il n’a jamais expliqué pourquoi la France devait, à ses yeux, être associée si étroitement à un intérêt purement américain dont la nocivité allait sans cesse s’accentuer jusqu’à produire le soi disant « Etat Islamique » de nos jours. Des gens à gauche félicitent encore De Villepin pour son opposition à la guerre de Bush en Irak. Se rendent ils compte du contraste avec Mitterrand ? Villepin à sauvé l’honneur. Et c’est un homme de droite.<br /> <br /> J’évoquais son attachement à l’Europe. Là comme dans l’affaire du Golfe ou plus accessoirement sa plaidoirie pour l’installation des missiles Pershing en RFA en 1983, il y a un fil conducteur: sa fidélité indéfectible à l’Atlantisme. Mitterrand était trop intelligent et trop bien informé pour être dupe. <br /> <br /> Doit il seul porter le blâme de tout ça ? Pour être juste, peut être pas. Il y avait aussi toute cette cour mérovingienne autour de lui. JL Mélenchon parle d’une « meute ». Dommage. J’ai trop de respect pour lui pour initier une polémique inutile sur un passé révolu. <br /> <br /> Il est révélateur que les thuriféraires de Mitterrand s’en tiennent au premier septennat. Jamais le second n’est évoqué. Il est vrai qu’il est marqué à la fois par l’impuissance (vous vous souvenez en 1993 « le chômage, on n’y peut rien, on a tout essayé » ?) et un affairisme débridé. On ne sait auquel des deux termes il faudrait relier certains suicides mystérieux. Il se termina en feu d’artifices par l’affaire dite des « écoutes téléphoniques de l’Elysée ». On n’entrera pas dans le détail. Après sa mort, en 1999, la Cour de Cassation jugeant ses comparses qualifiera les faits d’attentat à la Constitution.<br /> <br /> J’ai déjà été long. Si on devait terminer sur une note positive j’irais la chercher dans une œuvre de fiction ( ?). C’est le film « Le promeneur du Champs de Mars ». Le personnage de Mitterrand incarné par Michel Bouquet dit à un moment « je serai le dernier président. Après moi, il n’y aura plus que des comptables ». Il avait au moins pour lui d’être plus en effet. La clé de tant de nostalgie 20 ans après sa mort ne doit pas être cherchée ailleurs.
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